Catégorie : À l’écoute des autres

  • Ni maison, ni appart, le futur du logement ?

    Ni maison, ni appart, le futur du logement ?

    C’est un ensemble d’habitations aux allures de grande maison, dans un quartier pavillonnaire de Romainville (93). Anne-Laure, Hélène, Laurent et les autres vivent depuis quelques mois dans six logements individuels, répartis en deux bâtiments sur une unique parcelle. Ici, chacun se sent « comme à la maison ». Les grandes pièces à vivre sont dotées de longs balcons, chacun peut profiter d’un jardin avec option barbecue et potager, mais aussi d’un garage. 
    Pourtant, il s’agit bien d’un logement collectif : la rangée de boîtes aux lettres en atteste. L’architecte du projet, Félix Mulle, a repris de nombreux codes de la maison individuelle. Pour le premier bâtiment, qui a pignon sur rue, on retrouve le toit pentu et la mansarde. Deux familles y vivent. Le deuxième édifice, en fond de parcelle, évoque quatre maisons mitoyennes, avec chacune leur entrée individuelle en rez-de-chaussée et leur étage : il abrite quatre autres familles. Les treize adultes et enfants des lieux se partagent le jardin et le garage, de même que la terrasse avec vue panoramique sur le paysage francilien. Ils mutualisent également une buanderie, une chambre d’amis, et une salle dédiée aux soirées et aux évènements festifs.

    Cette hybridation entre logement collectif et individuel, souvent nommée « habitat intermédiaire » se développe aux quatre coins de l’hexagone, encouragée par la pression foncière et financière, et par la préférence inébranlable des Français pour l’habitat individuel. Ce renouveau est plutôt récent, mais des expérimentations s’observaient déjà au début du XXe siècle, sous l’impulsion d’industriels souhaitant rassembler leurs ouvriers à proximité des moyens de production, en des logements décents et peu coûteux. La tendance s’est renforcé dans les années 1970, comme une réponse aux critiques adressées aux grands ensembles fonctionnalistes, puis est tombée en déshérence face à l’essor des zones pavillonnaires, avant de connaître un renouveau ces dernières années. 

    Habitat intermédiaire : des règles d’urbanisme à respecter

    Le code de l’habitation et de la construction considère la superposition de plus de deux logements comme une caractéristique de l’habitat collectif : qu’il s’agisse d’un immeuble de 25 étages ou d’un bâti abritant deux foyers avec toit pignon, c’est donc la même réglementation des immeubles collectifs qui s’applique. Mais si le terme « d’habitat intermédiaire » renvoie à des réalités architecturales très diverses, une circulaire de 1974 en a précisé les principaux critères, faisant office de définition officielle : il se caractérise ainsi par « la possession d’un accès individuel, d’un espace extérieur privatif égal au quart de la surface du logement et d’une hauteur maximale rez-de-chaussée plus trois étages ».

    Une définition à laquelle répond parfaitement le petit ensemble HLM conçu par l’architecte Sarah Bitter, dans le quartier parisien de La Villette, finalisé en 2017. La densité parisienne exclut la réalisation d’habitats individuels. Mais chaque logement est doté de balcons, terrasses, loggias ou patios privés, mais aussi d’une entrée directe avec un pas-de-porte individuel, grâce à un système de coursives et d’escaliers extérieurs. Par ailleurs, les hauteurs de plafond et la disposition en duplex apportent une réelle sensation d’espace et une liberté du regard qui fait défaut à de trop nombreux appartements. Enfin, la limitation de la hauteur à trois étages préserve la petite échelle du lieu. L’architecte a souhaité que les résidents trouvent ici à la fois un confort individuel et collectif. « Cela passe par la sensation d’espace et par la possibilité de pouvoir profiter du dehors. Pas besoin de vivre dans le sud pour avoir envie de s’asseoir sur quelques marches devant chez soi ! », défend Sarah Bitter.

    Au-delà de ces seuls critères de hauteur réduite, d’espace extérieur privatif et d’entrée individuelle, l’habitat intermédiaire offre souvent une reprise des caractéristiques formelles de l’habitat individuel : le toit pointu, le perron, mais aussi la différenciation physique du logement à travers des volumes ou des matériaux qui permet aux habitants de « repérer » en un clin d’œil leur propre logement, à rebours du cliché des rangées de fenêtres anonymes des grands ensembles. C’est aussi la présence de pièces annexes, souvent absentes des appartements, telles que le cellier et le dressing, qui est défendue dans ce type de logement, et qui fait une réelle différence de confort pour l’usager. 

    Lire aussi : Maison individuelle et étalement urbain : faut-il densifier la ville ?

    L’habitat partagé, des atouts humains et environnementaux

    Les défenseurs de « l’habitat intermédiaire » mettent également en avant la mixité sociale et générationnelle permise par ces bâtis hybrides : parce qu’ils se prêtent à des typologies variées, ils favorisent une hétérogénéité des résidents (jeunes couples, retraités, familles, célibataires…). Par ailleurs, en mutualisant certains espaces tels que les stationnements, les espaces verts et les espaces de jeu, ils favorisent l’échange et la rencontre. Autre atout, et pas des moindres : les coûts de construction et de gestion sont réduits par rapport à une maison individuelle. Enfin, l’habitat intermédiaire est mieux accepté socialement que des opérations de grands ensembles. « On arrive dans le quartier avec une forme d’urbanité, de politesse ; l’idée n’est pas de s’imposer » confirme Félix Mulle, qui a à cœur de conserver la « mémoire pavillonnaire », et dont la réalisation à Romainville s’inscrit harmonieusement au côté des maisons voisines. L’habitat intermédiaire permet en effet de densifier en douceur des quartiers pavillonnaires, ou a contrario d’apporter une respiration bienvenue à des quartiers très verticaux.

    Mais surtout, ce type de logement apparaît comme une alternative vertueuse au tout individuel, en permettant de limiter l’étalement urbain créé par le développement de l’habitat pavillonnaire classique. Parce que moins gourmand en matières premières, en énergie, en ressources foncières, il participe d’une ville moins carbonée. Compromis fertile ? L’argument séduit certains habitants : « Cela permet d’avoir davantage d’espace que quand on est seul, mais surtout, c’est plus convivial et plus écolo que de vivre chacun entouré de son jardin et sa clôture », confirme Anne-Laure, dans sa « maison » de Romainville. 

    Lire aussi : Et si l’architecture low-tech permettait des villes plus durables ?

  • Bénévolat : comment aider les enfants en difficulté scolaire ?

    Bénévolat : comment aider les enfants en difficulté scolaire ?

    Les enfants qui souffrent de difficultés scolaires connaissent aussi généralement des angoisses, voire une phobie de l’école. Alors, à votre échelle, voici comment vous pouvez les aider à prendre confiance et à progresser.


    1

    Des associations mobilisées contre le décrochage scolaire

    Différentes associations luttent contre le décrochage et les difficultés scolaires, à l’instar de la Fondation pour l’Enfance, le Secours populaire de Paris, l’association d’Entraide Scolaire, Les Restos du Cœur…. Elles accompagnent des jeunes, scolarisés dans le primaire ou le secondaire, et fédèrent un réseau de volontaires et bénévoles (retraités, étudiants…) pour leur assurer un soutien scolaire et éducatif. Vous êtes intéressé pour les rejoindre ? Adressez-vous aux antennes locales pour proposer vos services. N’hésitez pas également à vous rendre sur la plateforme solidaire Diffuz pour répondre aux besoins d’une association proche de chez vous, ou contactez directement votre mairie ! Certaines communes proposent en effet des dispositifs pour aider bénévolement les enfants et les adolescents dans leur scolarité.

    Chiffre-clé

    64 % des élèves n’ont personne pour les aider à faire leurs devoirs à la maison (1).


    2

    Un accompagnement bénéfique pour l’enfant et l’aidant

    Aider un enfant à réciter ses poésies, à progresser en lecture à voix haute ou à réviser ses tables de multiplication… En tant que bénévole, vous serez amené à accompagner un ou plusieurs élèves, tout au long de l’année scolaire, dans la réalisation de ses devoirs, mais cela peut aussi concerner des activités artistiques et sportives, des sorties culturelles, ou encore des ateliers informatiques. Si vous avez un bon relationnel, vous pourrez aussi participer à des actions d’information et de sensibilisation aux enjeux de l’école auprès des parents et les aider dans l’orientation scolaire de leurs enfants.

    L’accompagnement des bénévoles permet aux élèves de retrouver goût à l’apprentissage et de gagner en confiance en eux, car certains enfants, en retard scolaire, s’isolent et n’osent pas poser de questions au professeur. À vos côtés, ils pourront apprendre à leur rythme et bénéficier d’un enseignement sur mesure pour développer leurs compétences. Un appui valorisant et constructif aussi bien pour eux que pour vous !

    Vous souhaitez agir pour les enfants en difficultés scolaires ?

    Rendez-vous sur Diffuz.com, la plateforme solidaire de la Macif ! Vous pourrez y découvrir les défis solidaires près de chez vous.


    3

    Quel profil pour devenir bénévole aidant ?

    Vous souhaitez vous rendre utile et vous engager ? Le bénévolat en soutien scolaire répondra à vos attentes, mais sachez que cela exige des qualités d’écoute et de patience. À vous de voir donc si vous vous sentez capable de faire preuve de souplesse et de pédagogie, auprès d’un public jeune et en difficulté.

    Si vous avez une bonne culture générale, ou mieux, vous maîtrisez une discipline enseignée à l’école, alors cette mission est peut-être faite pour vous ! Aucun diplôme ni âge minimum ne sont exigés pour assurer du soutien scolaire, et quelles que soient vos compétences, votre engagement sera utile et permettra de faire progresser l’enfant et de l’encourager. Néanmoins, il est nécessaire que vous ayez du temps pour pouvoir vous engager et lui offrir un suivi régulier tout au long de l’année scolaire.

    Bon à savoir

    Certaines associations, comme Apprenti Comète, le Secours populaire, ou encore le Secours catholique, proposent du soutien scolaire spécifiquement dédié aux enfants en situation de handicap avec des suivis personnalisés et évolutifs.

    Le saviez-vous ?

    La Fondation d’entreprise du Groupe Macif soutient de nombreuses initiatives solidaires comme l’association EN-JEUX qui vient en aide aux enfants en difficultés scolaires. Renseignez-vous !

    L’Essentiel de l’article

    • De nombreuses associations proposent du soutien scolaire en France.
    • Accompagner un enfant en difficulté scolaire est une mission solidaire et gratifiante.
    • Le bénévole doit faire preuve de patience et d’écoute pour accompagner un enfant dans son travail scolaire.

    (1) Kartable, 2019

  • Étudiants : des logements réinventés pour pallier à la pénurie

    Étudiants : des logements réinventés pour pallier à la pénurie

    La France compte plus de 2,7 millions d’étudiants. C’est une bonne nouvelle : la démocratisation de l’enseignement supérieur est là. Mais encore faudrait-il que les étudiants aient la possibilité et les moyens de se loger. C’est loin d’être une évidence aujourd’hui. Dans le parc public, on compte 210 000 logements gérés par le Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires), pour 700 000 boursiers (1), quand moins d’un tiers des étudiants vivent chez leurs parents. La plupart sont donc contraints de trouver à se loger dans le privé, où les tarifs sont plus élevés : comptez en moyenne 550 € par mois, et jusqu’à 800 € à Paris (2)… Le coût n’est pas le seul obstacle : le nombre de « candidatures » que suscite, dans les centres urbains, le moindre studio disponible à la location témoigne du déséquilibre entre l’offre et la demande. Alors face à cette pénurie, de plus en plus de programmes transforment en logements des bâtis et des matériaux conçus pour une toute autre fonction.

    Lire aussi : La précarité étudiante aggravée par la crise sanitaire

    Logement étudiants : des initiatives prometteuses

    Au Havre, depuis 2010, ce sont d’anciens conteneurs maritimes qui abritent désormais une centaine de studios au sein de la résidence universitaire baptisée « A Docks ». Disposés sur une ossature métallique de quatre étages, avec de larges baies vitrées découpées dans la tôle, ils ont gardé l’esthétique des engins de transport portuaire, mais offrent à l’intérieur des appartements isolés de 24 m2. Le tout pour un loyer de 300 euros environ charges comprises, et à moins de deux kilomètres de l’université du Havre (76)… De quoi convaincre de nombreux étudiants. L’objectif affiché par le Crous et la collectivité est de répondre au manque de logement de manière économique et rapide, avec un coût 25 % moins cher qu’une résidence lambda, et des délais de réalisation imbattables (5 mois).

    Reste que le bilan n’a pas été à la hauteur des attentes : sans doute parce que le projet était expérimental, chaque logement a coûté 50 000 euros, soit un peu plus qu’un hébergement Crous classique. À ce jour, l’expérience n’a pas été reconduite…

    Mais malgré certains obstacles, transformer l’existant pour y loger les étudiants est une tendance qui s’affirme. À Paris, ce sont d’anciens bains-douches municipaux et d’anciens bureaux (le siège de Zodiac Aero Electric) qui ont été modifiés pour accueillir des résidences étudiantes privées. Plus original encore, un garage Citroën, dans le 14ème arrondissement, a été restructuré en 68 logements gérés par le Crous, auxquels s’ajoutent 4 000 m2 d’ateliers et 1 500 m2 de commerces.

    Plan Común, l’agence d’architecture qui a réalisé le projet, défend « une démarche durable de réemploi du bâtiment existant ». Ici l’ambition est moins financière que celle d’une économie de moyens, visant à « minimiser les démolitions et constructions », pour « relever les défis environnementaux et la gestion des ressources du XXIe siècle ». C’est là le principal atout de ces métamorphoses. Car si réhabiliter, que ce soit en gardant les mêmes fonctions ou en changeant les usages, ne coûte pas toujours moins cher qu’un logement neuf, le bénéfice écologique est bien réel.

    Transformer et réhabiliter l’ancien pour créer des logements durables

    Ces démarches permettent en effet de diminuer l’usage de nouvelles matières premières (et dans le même temps, le recours aux transports), et de réduire la pollution et les nuisances occasionnées par le chantier. « C’est vraiment un changement de paradigme qui s’amorce sur l’emploi de la matière », se réjouit l’architecte Anne Pezzoni, qui travaille actuellement à la réhabilitation d’un parking en logements.

    Transformer l’existant présente un autre atout de taille : permettre l’accès à des situations géographiques idéales, alors que les nouvelles constructions sont souvent excentrées, et que le foncier en cœur de ville est déjà occupé. L’argument a convaincu la ville rose et le Crous d’Occitanie : « Trouver du foncier est un enjeu majeur et complexe, pour lequel la réhabilitation de locaux est une piste que nous développons », explique Dominique Froment, la directrice du Crous. Dont acte : les bureaux de l’ancienne inspection académique de la Haute-Garonne, à proximité immédiate du centre-ville de Toulouse, sont en cours de transformation pour y accueillir 161 logements étudiants sur 6 niveaux, qui formeront la « résidence Duportal ».

    « L’adaptation en logements d’un bâtiment qui n’est pas dédié à l’habitat à l’origine n’est pas toujours possible, mais c’est une piste intéressante, qui se développe depuis une quinzaine d’années. Je pense qu’à l’avenir on démolira moins »

    Joseph Almudever, architecte

    Pour l’architecte Joseph Almudever, qui réalise le projet au côté d’Alexandre Brau-Mouret, le chantier doit permettre de révéler les qualités de l’édifice historique et de respecter son identité : « C’est un bâtiment très riche des années 60. De petits galets de la Garonne cerclent les piliers, le sol du rez-de-chaussée est en marbre de Saint-Béat … Et avec ses pilotis en béton, il s’inscrit dans la continuité du travail de Le Corbusier ». Le couloir a été élargi pour permettre d’accueillir du public, et ce sont désormais trois chambres qui tiennent sur deux trames porteuses. L’architecte insiste sur l’importance de penser la réversibilité des usages : concevoir une construction suffisamment flexible pour qu’elle puisse être adaptée à de futures fonctions.

    « La résidence Duportal est la première qui ouvrira dans l’Académie suite à la transformation de bureaux en logements, mais ce n’est très certainement pas la dernière », promet la directrice du Crous Occitanie. Une ambition nécessaire : alors que ses services enregistrent en moyenne 12 demandes pour 1 place disponible en résidence, il faudra davantage qu’un projet exemplaire pour améliorer les conditions de logement des étudiants.

    Lire aussi : Jeunes : tout savoir pour gérer son budget logement

    (1) Crous, Chiffres clés 2020.

    (2) Repères 2020 observatoire vie étudiante

    http://www.ove-national.education.fr/wp-content/uploads/2021/01/Brochure_Reperes_2020.pdf

  • Habitat indigne et bénévolat : se mobiliser pour lutter contre le mal-logement

    Habitat indigne et bénévolat : se mobiliser pour lutter contre le mal-logement

    Pour être mis en location, un logement doit respecter les normes sanitaires et de sécurité minimales définies par le décret du 30 janvier 2002 (2). Il doit également avoir une taille suffisante (soit une surface habitable d’au moins 9 m2 et une hauteur sous plafond d’au moins 2,20 mètres, soit un volume habitable d’au moins 20 m3) (3).

    Lorsque ces conditions ne sont pas respectées, on parle d’habitat indigne, notion qui désigne l’ensemble des logements portants atteinte à la dignité humaine de ses occupants. Ce terme recouvre ainsi les logements insalubres, qui présentent des problèmes d’isolation thermique, d’humidité, d’infestation, de chauffage, manquent de clarté, d’éclairage et de ventilation… Ces conditions difficiles menacent la santé et la sécurité des habitants et concernent près de 4 millions de personnes en France (4). Alors comment devenir bénévole pour agir contre l’habitat indigne ?


    1

    Des travaux bénévoles pour mieux vivre chez soi

    Pour venir en aide aux mal-logés, les associations se mobilisent, à l’image de la Fondation Abbé Pierre, très active dans ce domaine. Bénévole de l’association depuis 2017, Michel, jeune retraité, intervient sur des chantiers de rénovation de logements dégradés. « Je participe à la remise en état de logements chez des propriétaires occupants qui ont reçu les aides aux travaux énergétiques. Mais ces aides ne comprennent pas les finitions, donc certaines personnes n’ont pas les moyens de payer un artisan pour peindre ou embellir leur habitation », explique-t-il. La Fondation Abbé Pierre intervient chez l’habitant après sélection de son dossier. Ce sont des chantiers généralement d’une semaine où travaillent des bénévoles de la Fondation, en collaboration avec ceux d’autres associations comme Emmaüs ou La Sauvegarde de l’enfant à l’adulte.

    Aurélia, quant à elle, ne connaissait pas grand-chose au maniement des outils, mais elle voulait apprendre… La crise sanitaire ayant mis un coup d’arrêt temporaire à ses études, elle décide de s’engager dans un service civique chez les Compagnons bâtisseurs. « Comme nous ne sommes pas spécialement formés, nous intervenons uniquement sur les finitions et la décoration : peintures, pose de papiers peints et des sols, etc. Si l’occupant le peut, on lui demande de participer. On organise aussi des ateliers où le public peut venir demander un conseil de bricolage ou emprunter du matériel » explique-t-elle.


    2

    Accompagner ceux qui en ont besoin

    Entre deux coups de pinceaux, Michel se bat aussi pour faire avancer les procédures administratives et juridiques pour aider les ménages en situation de mal-logement. La Fondation Abbé Pierre, comme le Secours Catholique, aide les familles à obtenir la mise aux normes de leur habitation par différents recours (lettre recommandée au propriétaire bailleur, signalement auprès du service d’hygiène de la mairie ou de l’agence régionale de santé (ARS), signalement auprès et de la CAF, etc.).

    Mais les bénévoles interviennent également pour trouver des logements temporaires dans les situations d’urgence, et surtout des solutions d’habitat durable pour les personnes en difficulté. Par le biais de permanences, L’Association Droit Au Logement (DAL) et le Secours Catholique aident les personnes mal logées à effectuer une demande DALO (droit au logement opposable) pour obtenir un logement décent. « Le but est d’accompagner les familles pour saisir une commission de médiation départementale, afin que leur situation soit reconnue comme “prioritaire et urgente” et qu’elles soient relogées. Si leur demande est refusée, nous les assistons ensuite pour faire un recours contentieux devant le tribunal administratif, qui peut ordonner au préfet de leur trouver un logement », raconte Michel.

    En plus d’œuvrer pour faire valoir les droits liés à l’habitat, les associations se mobilisent pour dénoncer et sensibiliser le grand public face aux situations de mal-logement. Aurélie participe régulièrement à des manifestations aux côtés d’autres bénévoles. « Nos actions visent à alerter les autorités pour qu’elles agissent concrètement contre ce fléau et à mobiliser les donateurs pour soutenir les associations » explique-t-elle.

    Chiffre-clé

    50 % des personnes mal logées en France sont des propriétaires occupants (1) n’ayant pas les moyens financiers d’entretenir leur habitation.


    3

    Devenir bénévole contre le mal-logement, est-ce pour moi ?

    Pas besoin d’être un as du bricolage pour participer à la lutte contre l’habitat insalubre ! Quels que soient vos aptitudes et le temps que vous pouvez consacrer pour aider les autres, cet engagement est une vraie source d’apprentissage et de gratification. Vous souhaitez vous lancer ? Vous pouvez commencer par contacter les associations de lutte contre le mal-logement qui œuvrent près de chez vous, ou vous connecter sur des sites d’appel au bénévolat comme Diffuz, la plateforme des défis solidaires de la Macif.

    La Fondation d’entreprise du Groupe Macif soutient de nombreuses initiatives solidaires comme l’association Murmur ou Vivrensemble.
    Renseignez-vous !

    L’Essentiel de l’article

    • Il existe près de 600 000 logements indignes ou insalubres en France (1).
    • Des associations luttent contre le mal-logement au quotidien et partout en France.
    • Les bénévoles participent à diverses actions : travaux, conseils, démarches administratives…

    (1) Fondation Abbé Pierre, SOS taudis, lutter contre l’habitat indigne, 2018

    (2) Légifrance, 2021

    (3) service-public.fr, Logement décent, 2019

    (4) Fondation Abbé Pierre, 25e rapport sur l’état du mal-logement en France, 2020

  • Profession : Solidaire – Les conseils des entrepreneurs sociaux Emmanuel et Christophe Brochot

    Ils se sont lancés ensemble, au service de la ruralité. Emmanuel et Christophe Brochot sont à l’initiative de Bouge ton Coq, une plateforme de dons pour financer l’intérêt général dans les villages. Comment se lancer dans l’entrepreneuriat social ? Réponses de deux professionnels de la solidarité.

    Lancé en janvier 2020, Bouge ton Coq est à l’origine d’un modèle de financement inédit : une plateforme numérique de dons qui réunit citoyens, pouvoirs publics et entreprises afin de soutenir des projets d’intérêt général en milieu rural. Le credo de ce mouvement citoyen ? “Collecter au niveau national, redonner au niveau local.”

    Derrière Bouge ton Coq se trouvent deux frères, Emmanuel et Christophe Brochot, originaires d’un petit village auvergnat, Ravel. Après une première vie dans la communication, ils ont décidé, à la cinquantaine, de revendre leur agence pour fonder ensemble ce nouveau projet. Après seulement une année d’existence, leur mouvement a déjà été désigné lauréat français du prix de la solidarité civile européenne, pour l’opération ‘C’est ma tournée’, visant à soutenir commerces et artisans, dans les villages, face aux conséquences économiques de la pandémie. 

     

    Les quatre conseils d’Emmanuel et Christophe Brochot

    Conseil n°1 : Etre persévérant

    Christophe Brochot : « Quand on a une conviction, il faut être persévérant. Autour de soi, on aura toujours de nombreuses personnes pour dire que ce n’est pas possible. Mais nous croyons à la phrase de Mark Twain : ‘ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait’. Il est nécessaire d’aller au bout de son engagement. »

    Conseil n°2 : Clair sur le cap, mais souple sur les moyens

    Emmanuel Brochot : « La vérité émerge de l’action, elle ne sort pas d’un tableur Excel ou d’un PowerPoint. On apprend en marchant, il ne faut donc pas être trop rigide et savoir se tromper, avoir un cap mais aussi être souple et adaptable à l’intérieur de ce cap. »

    « Une histoire qu’on raconte s’inscrit dans la durée. Il faut être fidèle à son propre cap, rester laborieux et humble »

    Emmanuel Brochot

    Conseil n°3 : Penser avec le coeur mais agir avec la tête

    Christophe Brochot : « Comme l’écrivait Louise Dupin : ‘l’esprit délibère et le cœur conclut’. Les objectifs se déterminent davantage avec le cœur qu’avec la tête. Il est toutefois nécessaire d’avoir une exigence de rigueur totale dans l’action. La mise en œuvre des objectifs doit reposer sur des logiques économiques bien réelles, si l’on veut que son projet perdure et soit pérenne. »

    Conseil n°4 : Rester à l’écoute

    Emmanuel Brochot : « Il est important d’être toujours à l’écoute, beaucoup observer et ne jamais renoncer à une rencontre, car il en sort toujours quelque chose. Mais dire oui aux opportunités qui se présentent, cela ne signifie pas se renier pour autant. Parfois, il faut savoir ne pas saisir certaines opportunités, tentantes mais qui nous obligeraient à transiger sur des aspects essentiels de notre cap. »

    Vous souhaitez vous lancer dans l’entrepreneuriat social ?

    La Fondation Macif soutient chaque année de nombreuses initiatives solidaires et sociales.

  • Profession : Solidaire – Les conseils des entrepreneures Daphné Charveriat et Colombe Pigearias

    Chômage, mal logement ou décrochage scolaire. Au sein de Marseille Solutions, Daphné Charveriat et Colombe Pigearias aident à construire des solutions pour résoudre localement ces défis urgents. Comment se lancer dans l’entrepreneuriat social ? Ces deux spécialistes de la solidarité répondent.

    Tout est parti d’un ras-le-bol : celui du “Marseille bashing” et des manchettes de journaux catastrophistes. Début 2014, Tarik Ghezali, Anne-Claire Gosselin et Jérôme Schatzman fondent l’organisation Marseille Solutions pour tenter d’inverser la tendance. Leur vision ? Booster le développement de projets positifs à fort impact dans la ville, pour lutter notamment contre le chômage, le mal logement, le décrochage scolaire ou les déserts alimentaires.

    Daphné Charveriat et Colombe Pigearias ont rejoint l’aventure plus récemment en tant que co-gérantes. Avec d’autres, elles appliquent aujourd’hui une formule d’action éprouvée au sein de ce dispositif de soutien à l’innovation : « Voir grand, commencer petit, aller vite ». Depuis leurs bu-reaux situés non loin du Vieux Port (13), elles livrent plusieurs conseils concrets pour s’investir dans l’entrepreneuriat social et solidaire.

    Les quatre conseils de Daphné Charveriat et Colombe Pigearias

    Conseil n°1 : ne pas trop attendre avant de se lancer

    Colombe Pigearias : « Si tu as envie de faire quelque-chose, n’attends pas que tout soit prêt pour en parler et commencer. Cela avance trois fois plus vite et on évite beaucoup d’erreurs ou de maladresses en osant partager ses intentions. Si tu incarnes ton projet et que tu commences à en parler, même sans avoir d’idées précises, les rencontres vont s’enchaîner et finalement, tu dessineras quelque chose que tu n’avais peut-être pas imaginé à la base, mais qui sera plus pertinent que ton idée préconçue dans ton coin. »

    Conseil n°2 : identifier ses compétences

    Colombe Pigearias : « Si tu n’es pas issu du milieu de l’entrepreneuriat social ou environnemental, essaie d’identifier les compétences que tu as et qui sont transférables dans ces milieux-là. En réalité, dans de nombreux domaines, on apprend et perfectionne le travail de coopération entre pairs ou entre différentes spécialités pour mener à bien des projets. »

    « Les gens doutent souvent de leurs compétences, alors que même si tu ne viens pas de l’innovation sociale, tu peux apporter à un projet si tu as une compétence de gestion de projet, de créativité, d’écoute ou autre »

    Daphné Charveriat

    Conseil n°3 : utiliser les moyens de communication à disposition

    Daphné Charveriat : « Aujourd’hui, tout le monde est accessible. Il ne faut pas négliger les réseaux sociaux et ne surtout pas hésiter à prendre contact avec une grande boîte pour leur proposer un projet. C’est important de partager ses bonnes idées, il est dommage d’en avoir et de ne pas passer à l’action. »

    Conseil n°4 : en parler autour de soi

    Daphné Charveriat : « Si tu as envie de te lancer, donne toi les moyens, raconte une histoire, écris un récit, parle-en autour de toi et n’hésite pas à aller interroger des gens pour les embarquer sur ton projet. A partir du moment où tu vas aller les voir, ils vont se sentir ambassadeurs du projet et vont te permettre de changer d’échelle. »

    Vous souhaitez vous lancer dans l’entrepreneuriat social ?

    La Fondation Macif soutient chaque année de nombreuses initiatives solidaires et sociales

  • Vocations d’avenir : Thibaud, 28 ans, défend l’art et l’artisanat

    Vocations d’avenir : Thibaud, 28 ans, défend l’art et l’artisanat

    À 28 ans, Thibaud a choisi de perpétuer le savoir-faire traditionnel de l’art et l’artisanat à travers un métier aussi artistique que physique : la menuiserie. Depuis deux ans et demi, il apprend le métier au sein de la Société Philomathique de Bordeaux – du grec philo, “ami” et matique, “connaissance” -, une école savante vieille de plus de 200 ans, née sous l’influence des Lumières. « Le travail manuel m’a toujours parlé : l’été, je travaille souvent avec mon cousin maçon. Et puis, le bois, ça me titillait depuis un moment… ».

    Lire aussi : Ces cinq métiers qui dessinent l’avenir

    Menuisier et artiste

    Si le métier de menuisier demande des aptitudes manuelles, c’est aussi et surtout un métier extrêmement exigeant du point de vue intellectuel. « Je m’attendais bien à devoir me remettre aux mathématiques. Avec les calculs d’angle, les dessins, les épures (dessin au trait qui donne l’élévation, le plan et le profil d’une figure, ndlr), le cerveau prend cher. En ce moment, on travaille sur un escalier, c’est un travail qui demande énormément de réflexion ». Quand on lui demande s’il ne subit pas les stéréotypes attachés aux métiers manuels, Thibaud balaie l’idée de la main : « J’ai fait des études d’art et tous mes amis sont artistes ou acteurs… C’est limite si je ne suis pas considéré comme le seul aujourd’hui qui a un “vrai” métier parmi nous ».

    À 28 ans, Thibaud a déjà 10 ans de vie d’artiste derrière lui. Depuis sa première année de collège, il se détourne des cours classiques pour préférer peindre et dessiner. Il continue sa seconde en France puis part en Belgique où il intègre l’École d’art Saint-Luc à Tournai puis à Liège : trois ans en illustration, trois ans en peinture, puis un master. Quand l’occasion se présente, il expose dans des cafés ou des galeries. Il y développe sa vision de l’art et regrette que le dessin académique figuratif ne soit pas plus valorisé. « Moi j’ai besoin de passer par le savoir-faire traditionnel et les représentations réalistes pour pouvoir ensuite me lâcher et m’en éloigner ».

    « Ça s’est senti depuis que je suis en sixième : les cours généraux ne m’intéressent pas »

    Thibaud Debarge

    Métier manuel et retour aux sources

    Aujourd’hui, son approche artistique reste valorisée dans son nouveau métier. En alternance dans une entreprise artisanale, il se rapproche petit à petit du métier d’ébéniste, plus créatif. « Mon boss est lui-même ébéniste de formation, et il a senti et valorisé mon côté artistique. Après plusieurs mois consacrés à la pose et restauration de parquets, il m’a confié la fabrication de portes, d’impostes et de dressings sur-mesure. Il m’a aussi confié de A à Z la réalisation et l’intégration d’une rose des vents en essences d’ébène et de cerisier pour un gros client ». De sa position, et qui plus est à Bordeaux où les maisons traditionnelles – les échoppes – sont légion, Thibaud voit l’intérêt pour son métier évoluer et les commandes de menuiseries sur-mesure croître, la clientèle se détournant progressivement des meubles en kit de la grande distribution. « On observe un vrai retour aux sources ».

    Lire aussi : Vocations d’avenir : Amhet, 24 ans, réduit les inégalités via l’art oratoire

  • Ces cinq métiers qui dessinent l’avenir

    Ces cinq métiers qui dessinent l’avenir

    Métier : Ouvrier.e en aquaponie

    Comme son nom ne l’indique pas, l’aquaponie ne concerne ni les nageurs ni les cavaliers. Ce mot-valise, qui résulte de la contraction entre aquaculture et hydroponie, désigne un nouveau modèle d’agriculture fondé sur la circulation de l’eau, qui combine la culture de plantes et l’élevage de poissons.

    Complètement hors-sol et dans un environnement contrôlé, ce type de culture peut s’installer n’importe où. Grâce à un système pensé en cercle vertueux, des bactéries transforment les déjections des poissons en nutriments pour les plantes. En plein retour de hype aux États-Unis, en Australie et en Asie, et émergente en Europe, cette technique existe depuis l’époque des Aztèques, qui cultivaient maïs et haricots sur des îles artificielles faites de boue.

     

    C’est déjà là :

    L’Aquarium de Paris s’est mis à l’aquaponie pour faire pousser des tomates au-dessus des bassins de poissons.

    Métier : Investisseur.euse à impact

    S’il ne représente pour l’instant qu’une goutte d’eau dans l’océan de la finance, l’investissement à impact fait de plus en plus parler de lui. Et pour cause : dans un monde bouleversé par un changement climatique puissant, les injonctions pleuvent pour inciter les investisseurs à tirer les bonnes ficelles.

    Lire aussi : Comprendre l’ISR, l’investissement social responsable

    Plus précisément, l’investisseur.euse à impact a la double mission de mesurer et d’améliorer l’impact environnemental et social des projets qu’il finance. Plus question de déployer son argent sur des projets qui rapportent mais qui détériorent le monde, il mise à présent sur de nouvelles entreprises qui promettent d’apporter des solutions réelles et positives. Comme quoi, la finance pour un monde plus vertueux, c’est possible !

    C’est déjà là :

    En mars 2021, Bercy a annoncé souhaiter faire de Paris le premier centre financier mondial de la finance à impact.

    Métier : Ingénieur.e cycle de vie

    Hier, un.e ingénieur.e chargé.e de construire une machine n’avait qu’un impératif : qu’elle fonctionne bien. Aujourd’hui, plus que la vie de l’engin, c’est aussi ce qui se passe avant et après sa vie qui compte. Missionné.e sur l’ensemble du cycle de vie de ses créations, l’ingénieur.e doit désormais réfléchir à la manière dont elles sont conçues, prévoir leur maintenance au cours de leur existence, et anticiper leur recyclage. À chaque étape de la vie de l’objet, l’enjeu est le même : réduire son impact négatif sur l’environnement et la société.

    Lire aussi : Vocations d’avenir : Océane, 23 ans, redonne du sens au métier d’ingénieur

    C’est déjà là :

    Votée en 2020, la loi française sur l’économie circulaire intègre les notions d’éco-conception et d’Analyse du Cycle de Vie (ACV).

    Métier : Egoteller

    Les intelligences artificielles Alexa ou Siri sont-elles des personnages malicieux, sages, bornés ? Si elles n’ont pas nécessairement de caractère marqué, de nombreuses intelligences artificielles sont équipées d’une sorte d’“égo”, c’est-à-dire d’un mode d’emploi qui vise à leur inculquer un comportement proche de celui de l’humain.

    Véritables créateurs de personnalités, les egotellers doivent anticiper les émotions et les attentes des utilisateurs de ces IA pour fluidifier le plus possible les interactions avec celle-ci. Exit la simple rédaction de textes, les concepteurs-rédacteurs du futur travailleront carrément à écrire l’histoire de nouvelles âmes.

    C’est déjà là :

    Chez Microsoft, plus d’une vingtaine de personnes travaillent sur l’identité de l’intelligence artificielle Cortana.

    Métier : Prospectiviste

    S’il écrit exclusivement sur l’avenir, le prospectiviste n’a rien du médium. Son travail n’est pas de deviner l’avenir mais d’explorer et d’imaginer des futurs possibles. En amplifiant les signaux faibles de transformation du monde qu’il perçoit, le prospectiviste conçoit des scénarios qui sont susceptibles de se produire dans un avenir plus ou moins lointain.

    À l’inverse des cabinets de tendance ou du marketing qui permettent de s’aligner aux volontés court-termistes du marché, les prospectivistes aident donc leurs clients à se projeter à horizon 2050 ou 2070, et ainsi de faire les meilleurs choix dans le présent pour un futur plus vertueux. Entreprises privées ou secteur public, tous les organismes qui réfléchissent à leur futur risquent de se tourner en nombre vers ce nouveau type de conseil.

    C’est déjà là :

    En 2020, l’armée française a fait appel à 10 auteurs de science-fiction pour imaginer les menaces de demain.

  • Vocations d’avenir : Julie, 26 ans, aide les jeunes femmes à choisir leur futur

    Vocations d’avenir : Julie, 26 ans, aide les jeunes femmes à choisir leur futur

    À 26 ans, Julie de Araujo propose aux jeunes femmes une formation sans stéréotype de genre, qui démystifie les métiers techniques du numérique, encore largement réservés aux hommes. Une formation qu’elle n’a elle-même pas reçue : dès l’école primaire, on attend d’elle un amoureux – alors qu’elle a une amoureuse – et adolescente, sa pratique professionnelle du tennis la confronte à l’injustice face à ses pairs masculins, mieux récompensés à performance égale. Quand elle rejoint l’IEP de Lyon, elle acquiert des clés de lecture pour comprendre ce qu’elle a vécu. « Moi qui n’ai pas reçu d’éducation non-genrée, j’ai découvert par le biais de mes cours de sociologie, à niveau post-bac, comment fonctionnait la société qui m’entourait. Ça a mis en lumière tout ce que j’avais expérimenté dans le cadre du sport et lors de mon coming out. À ce moment-là, ma conscience citoyenne s’est éveillée ».

    S’engager pour les autres

    Dès ses 18 ans, Julie s’engage : en parallèle de ses études, elle rejoint l’association Le Refuge, qui protège, héberge et accompagne les jeunes LGBT exclus du domicile familial parce qu’ils sont homosexuels ou trans. « Je me suis tout simplement pointée à une réunion de nouveaux bénévoles, et rapidement on m’a fait confiance. J’avais beaucoup de temps à donner, donc j’ai pris des responsabilités et développé le volet de l’intervention en milieu scolaire ». Elle vit son expérience associative comme une seconde formation à côté de ses cours. « Je travaillais pour l’association tous les weekend, toutes les semaines : j’avais vraiment une double vie ». Elle travaillera plus de cinq ans pour l’association.

    Donner la place aux femmes dans le monde du numérique

    Entre-temps, Julie débarque dans la vie active à la recherche d’un poste. Tout naturellement, elle se tourne vers l’économie sociale et solidaire et rejoint l’association Objectif pour l’Emploi, qui défend l’orientation professionnelle des femmes. « En capitalisant sur les années passées au Refuge, j’ai facilement trouvé du travail dans ce milieu. J’ai été embauchée en contrat court, et j’ai par la suite créé mon CDI de Chargée de Développement Orientation et Égalité en initiant et finançant le programme Ell’oweb ». À l’époque, Julie a déjà son BAFA et une appétence naturelle pour l’animation auprès du jeune public. À travers le dispositif, Ell’oweb, Julie propose aux lycéennes des ateliers d’initiation aux sujets et métiers du numérique (code, intelligence artificielle, cybersécurité, etc.).

    « Selon d’où l’on vient, on n’a pas tous les mêmes clés de compréhension du monde. S’il y a bien un endroit où tout le monde passe, c’est l’école : c’est donc l’endroit parfait pour transmettre les bases de la tolérance ».

    Julie de Araujo

    « Je n’ai aucune formation technique ni culture numérique préalable. À l’école, je fuyais les cours sur le sujet car j’étais moi même enfermée dans une certaine représentation de la technologie. Quand j’ai découvert les métiers de l’ingénierie avec l’association, j’ai pris de plein fouet mes idées reçues et j’ai décidé de faire quelque chose ». Parce qu’elle n’envisage pas que la moitié de la population se prive de ces métiers d’avenir, Julie travaille quotidiennement pour gonfler le faible 11% de femmes qui travaillent dans le secteur du numérique. Jusqu’à former les enseignants et conseillers d’orientation eux-mêmes. Mieux encore, elle initie les jeunes filles à la traque des biais induits par les nouvelles technologies. « En leur faisant créer un jeu pierre-feuille-ciseau avec la machine, ou en faisant des tests de recherche homme/femme dans les moteurs de recherche, on leur montre que les machines ne sont pas vraiment “intelligentes” et que les algorithmes peuvent reproduire ou engendrer des biais, notamment sexistes ».

    Forte de son succès, Julie cherche aujourd’hui à étendre le programme au niveau national.

  • Vocations d’avenir : Ahmet, 24 ans, réduit les inégalités via l’art oratoire

    Vocations d’avenir : Ahmet, 24 ans, réduit les inégalités via l’art oratoire

    À 24 ans, Ahmet Akyurek a fait de l’art du débat son combat quotidien. Ce jeune diplômé de Sciences Po Paris a intégré l’école cinq ans plus tôt via la Convention d’éducation prioritaire (CEP), une voie réservée aux bacheliers des lycées relevant de l’Education Prioritaire). À l’époque, issu du lycée Jean Renoir à Bondy, Ahmet se plie à l’exercice d’entrée établi par la convention : le décryptage d’une controverse d’actualité. « C’est un exercice qui vise à juger notre prise de hauteur sur un débat public et médiatique, et notre capacité à mobiliser notre culture critique pour remettre en question ce qu’on entend ».

    Il choisira la pénalisation des clients de prostituées durant la présidence de François Hollande. Quand il soutient son sujet à l’oral, Ahmet est à son aise. « J’étais content d’être là, j’aime débattre, être challengé sur mes positions, trouver des failles dans les raisonnements de chacun. C’est un jeu pour moi, ça m’amuse ». Une aisance qu’il rattache à un climat familial propice – une position de petit frère valorisé par quatre grandes sœurs – et à une adolescence en banlieue, où la culture du débat public est forte.

    L’art oratoire pour se faire une place

    À Sciences Po, la semaine de pré-rentrée est justement dédiée à une initiation à l’art oratoire. « Ça allume une ampoule en moi : c’est la première fois qu’on m’explique que la forme d’une prise de parole importe autant que le fond ». Son professeur – par ailleurs président de la Fédération Francophone de Débat – lui présente les clubs de joute verbale qui se tiennent en soirée dans différents amphis d’université en Île-de-France. « J’y suis allé presque tous les soirs : lundi à Sciences Po, mardi à Nanterre, jeudi à la Sorbonne… je faisais le tour de Paris pour y participer ».

    À force de progresser dans l’exercice, Ahmet et son camarade Greazi Abira décident de démocratiser l’art oratoire. « Le but du jeu, c’était de ne plus paraître “exceptionnel” dans notre entourage et de partager le pouvoir de l’art oratoire. C’est un outil capable d’améliorer sa moyenne à l’école, de créer des liens, de se faire respecter, de bouleverser une carrière, bref, de changer la trajectoire d’une vie entière ». Rapidement, Ahmet et Greazi créent l’association Graine d’Orateur 93 qui cartonne instantanément. « Dès le premier jour, le bouche-à-oreille avait fait son effet, et la salle de 60 places était pleine ; on a compris que l’on comblait un manque qui n’avait jamais été satisfait, alors on a décidé de mettre les bouchées doubles ».

    « La parole est une source de pouvoir qui permet aux individus de dialoguer, de coopérer, et de surmonter des défis communs »

    Ahmet Akyurek

    Engagement social et expérience immersive

    Aujourd’hui, Ahmet travaille dur pour étendre l’association à l’échelle nationale. Mais c’est loin d’être son seul projet : depuis, il a découvert le monde du travail et ses problèmes spécifiques. Pourtant allergique au monde de la finance, il a décidé, « pour l’expérience sociale », de faire son stage à la direction financière d’une banque. « À travers mes stages et mes jobs, j’ai réalisé que la maîtrise de la parole est synonyme de pouvoir, qui plus est dans un monde comme l’entreprise où le mérite ne paie pas toujours ». Ni une ni deux, il crée un organisme de formation intitulé Krateo – du grec κρατέω : tenir fermement, gouverner, devenir maître. « Là où Graine d’Orateur adopte une approche citoyenne de la parole comme outil démocratique, Krateo défend une position plus professionnelle : comment réussir un entretien, gérer une réunion, accompagner la progression des membres de son équipe… ».

    Pour son projet, Ahmet veut tirer le meilleur des technologies numériques du moment. « Notre but est de devenir une Edtech (startup qui fait utilise les technologies innovantes pour améliorer le secteur de l’éducation, ndlr) qui redéfinisse en profondeur la transmission de compétences grâce aux outils d’aujourd’hui ». Pas question d’enseigner l’art oratoire dans un mooc : pour son projet, Ahmet vise plutôt les technologies immersives et rêve déjà de gamification, d’analyse comportementale, de traitement du langage, et de réalité virtuelle. « Je travaille sur la création une expérience immersive réplicable à l’échelle, un outil de formation qui soit vraiment conçu pour un usage numérique». Pour autant, pas question de formater les discours : « La parole est très liée aux enjeux de notre siècle : la sauvegarde de l’environnement, et la défense de la démocratie ».