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  • « Les jeunes ont moins peur de quitter leur entreprise »

    « Les jeunes ont moins peur de quitter leur entreprise »

    Maxime, 21 ans, est en réorientation dans un bac pro de maintenance des équipements industriels à Nantes et apprenti dans un grand groupe international de constructions navales, au sein duquel il fait de la maintenance mécanique sur des pompes à chaleur de sous-marins nucléaires. De son côté, Olivier a arrêté son BTS Techniques Commerciales pour un poste de manutentionnaire de fruits et légumes dans un grand groupe agroalimentaire lorsqu’il avait 21 ans. Depuis, il n’a cessé d’évoluer et est aujourd’hui responsable d’exploitation au sein d’une start up prometteuse de distribution alimentaire.

    Le modèle d’entreprise dans lequel vous travaillez a-t-il de l’importance lorsque vous projetez votre vie professionnelle future ?

    Maxime : Travailler dans une petite ou grosse entreprise m’est égal tant qu’il y a une bonne ambiance, que le travail est intéressant, et que j’ai l’impression de servir à quelque chose. Par exemple, ça a beaucoup de sens pour moi de travailler dans l’entreprise au sein de laquelle je suis apprenti car ce qu’elle produit me semble utile : je pense qu’on a besoin de ces sous-marins pour assurer la sécurité du pays.

    Olivier : Je suis entré dans le monde du travail dans une grosse entreprise, mais chaque site fonctionnait de manière individuelle donc il y avait un esprit “ taille humaine “ avec une très bonne ambiance et un esprit d’équipe. Je pense que ce fonctionnement familial a aidé au fait qu’on m’y ait vite accordé une certaine confiance et autonomie dans mon travail.

    28 % des jeunes

    s’imaginent rester au sein de la même entreprise autant que possible. 1

    Quels sont les éléments dont vous avez besoin pour vous sentir bien dans une entreprise ?

    Maxime : Avant tout, comme je le disais, j’ai besoin d’une bonne ambiance : avec mes collègues, on s’entraide, on se rend la pareille et on peut compter les uns sur les autres. Mon manager n’est pas déconnecté de ce que je fais, on s’entend très bien et il y a une atmosphère de confiance, ce qui me motive d’autant plus. Il y a aussi les avantages d’une grosse entreprise : comité d’entreprise, jours de congés, aide au logement… Pour l’instant j’habite chez mes parents mais pour plus tard ça peut être intéressant.

    Olivier : À mes débuts, tout ce qu’il me fallait dans mon travail, c’était me sentir utile, avoir des challenges à relever, et des projets en vue. Puis l’ambiance entre collègues et l’esprit d’équipe sont devenus primordiaux à mes yeux, c’est quelque chose dont j’ai mieux compris la valeur avec le temps. Cela passe également par le management, or je pense que c’est plus facile de mettre en place un management bienveillant dans une petite structure que dans une grosse. Pour moi qui ai vu le management participatif se développer dans les années 90, j’ai constaté combien cela a permis plus d’échanges et de faire grandir les collaborateurs.

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    Vous projetez-vous sur du long terme dans un même établissement ?

    Maxime : Dans l’idée, ça ne me dérangerait pas de rester une bonne partie de ma vie dans l’entreprise pour laquelle je travaille. En revanche, je ne m’imagine pas particulièrement monter des échelons, parce que j’ai une personnalité qui préfère suivre que montrer l’action. J’ai du mal à me projeter, mais j’imagine que plus tard je pourrais faire un travail sur moi-même pour gagner en confiance et me sentir capable de gagner en responsabilités. Peut-être que je pourrai faire des formations pour avoir plus de qualifications. Je n’ai pas encore réfléchi au fait d’aller travailler à l’étranger, ça peut aussi être une option intéressante, mais pour l’instant je me vois plutôt rester à Nantes.

    Olivier : Je pense qu’à l’époque, on se posait beaucoup moins la question de savoir si on allait rester dans une entreprise ou pas : quand on entrait dans une boîte, c’était généralement pour y faire carrière, ou au moins y rester un maximum. Moi j’avais des perspectives d’évolution dès le départ, et j’y suis resté 10 ans, avec pas mal de différentes missions à l’intérieur. Autour de moi aujourd’hui, j’ai l’impression qu’un certain nombre de jeunes essaye d’évoluer et de progresser rapidement dans leur boulot, lorsqu’ils se sentent bien dans l’entreprise. Mais j’observe qu’ils se sentent moins liés à leur entreprise qu’à mon époque, ce qui explique qu’ils changent plus facilement de boulot qu’il y a 20 ou 30 ans : moi je sentais bien ce lien d’appartenance à ma première entreprise.

    43 % des jeunes

    indiquent que leur attente principale vis-à-vis de leur travail se situe au niveau du salaire. 1

    Le salaire est-il déterminant pour choisir votre emploi ?

    Maxime : Mes ambitions en terme de salaire sont proportionnelles à mes coûts par mois liés au strict minimum : actuellement, je vis chez mes parents, alors mon petit salaire d’apprenti me convient très bien puisque je ne paye pas de loyer, ni de nourriture, d’électricité… même si je participe aux frais de la maison. C’est avant tout une question de sécurité pour moi : une fois que j’aurai quitté le nid et que j’aurai ma propre famille, je voudrai être sûr de pouvoir subvenir aux besoins de mes enfants.

    Olivier : Pour moi, le salaire n’a jamais été primordial. Je le trouvais correct à mes débuts, aligné sur les prix du marché. Je n’étais pas particulièrement tourné vers les avantages, je ne regardais pas non plus ce qu’il pouvait y avoir comme formation. Il s’agissait d’abord de financer un logement puisque ça correspondait avec le moment où je m’installais avec ma femme, donc j’avais besoin d’être indépendant et d’assurer un loyer, une voiture, etc. Il y avait une part de loisir aussi, mais c’était secondaire : on faisait avec ce qu’il restait, quand il en restait. L’important était plutôt la perspective de pouvoir évoluer, en sachant que le salaire suivrait. Un bon salaire, c’était donc pour moi un salaire qui suit la valeur de mon évolution professionnelle.

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    Êtes-vous satisfait de votre arrivée sur le marché du travail ?

    Maxime : Ma vision de la vie de travailleur n’est pas très positive, car je me dis que les meilleures années pour quelqu’un, ce sont celles où il est à l’école. Une fois qu’on est en entreprise, on est fatigué quand on rentre du travail, donc on a moins d’énergie pour faire des choses amusantes. Or je pense qu’il faut quand même penser à se faire plaisir pour décompresser et ne pas avoir une vie ennuyeuse. Et ça, ça passe par le fait d’avoir une vie sociale en dehors du travail, ainsi que des loisirs.

    Olivier : À mes débuts, je n’avais pas une très bonne vision du monde du travail : entre la théorie apprise à l’école et la pratique de la vie en entreprise, ça ne reflétait pas du tout ce qu’on m’a appris, donc il y a une eu petite période d’incompréhension. Heureusement, j’avais envie de rentrer dans la vie active et je me suis tout de suite impliqué dans mon entreprise, en travaillant autant que je pensais qu’il était nécessaire pour aller au bout de mes projets.

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    Avez-vous l’impression d’avoir un rapport au travail différent de vos collègues plus âgés ?

    Maxime : D’un point de vue strictement professionnel, j’essaie de prendre exemple sur mes aînés : ils sont travailleurs et persévérants, ça m’apprend la discipline. En quelques mois d’expérience je trouve qu’on devient déjà plus sérieux, les autres juniors et moi. En revanche, j’ai l’impression que les plus anciens sont souvent assez dépendants de la sécurité de l’emploi et que ça ne les rend pas heureux : il y en a certains qui critiquent l’entreprise mais qui restent malgré tout. Je trouve ça dommage, les jeunes ont moins peur de partir parce qu’ils sont moins fidèles à leur entreprise.

    Olivier : Quand je suis arrivé en entreprise, j’ai senti que je devais faire mes preuves et apprendre beaucoup, car je n’avais pas la connaissance que les anciens avaient accumulée avec l’expérience. Mais il y avait aussi beaucoup de gens qui n’étaient pas là pour s’impliquer professionnellement : certains venaient travailler parce qu’il le fallait et faisaient le minimum. Je crois que de ce côté les mentalités ont beaucoup évolué, et je suis convaincu que c’est notamment parce que l’esprit d’équipe est devenu central. Du coup, on se sent mieux au travail, ce qui est particulièrement important pour les jeunes d’aujourd’hui.

    Est-il important pour vous que votre entreprise s’engage pour les causes qui vous sont chères ?

    Maxime : Oui, j’ai l’impression que mon entreprise utilise une énergie qui ne pollue pas l’air et c’est important pour moi : je préfère qu’on ait une énergie propre pour respecter l’environnement, car la planète terre ne nous appartient pas et il faut la respecter. Si elle utilisait du charbon, je ne sais pas si je serais aussi enthousiaste. Cette conscience me suffit, je n’ai pas besoin qu’elle s’engage plus ouvertement sur le sujet.

    Olivier : À l’époque, on ne parlait pas du tout des sujets environnementaux en entreprise, et moi même je n’y étais pas particulièrement sensible. Les jeunes ont apporté ce côté là avec une vraie envie de faire évoluer les mentalités y compris au sein de l’entreprise, et c’est tant mieux pour la planète. Le problème, c’est quand certaines entreprises se positionnent sur le sujet alors qu’elles sont parfois loin d’être exemplaires. Heureusement, je trouve que ça va de plus en plus vers des faits réels, parce que de toute façon il n’y a pas le choix, notamment sur ce qui est alimentaire.

    1 Baromètre Les jeunes et l’entreprise

  • Jeunes et emploi : « On n’attend plus de l’entreprise qu’elle nous dise qui on est »

    Jeunes et emploi : « On n’attend plus de l’entreprise qu’elle nous dise qui on est »

    Globalement, les jeunes vous semblent-ils avoir un rapport au travail radicalement différent de celui des générations précédentes ?

    Vincent Cocquebert : Cela fait une vingtaine d’années qu’on entend le discours selon lequel il y aurait une rupture anthropologique entre les travailleurs millennials et ceux des générations précédentes. Il y avait toute une gamme de stéréotypes les peignant comme sûrs d’eux, peu fidèles, étant quasiment dans un rapport d’instrumentalisation à leur entreprise pour venir y chercher ce qui les intéresse et repartir dès qu’ils auraient suffisamment appris de l’entreprise. Mais on se rend compte que c’est tout l’inverse : on a en fait affaire à des jeunes qui ressemblent beaucoup à leurs aînés, puisque leur rapport au travail est d’abord marqué par une reconnaissance salariale puis par une stabilité professionnelle. Or depuis qu’on étudie le rapport des individus au travail, ce sont les deux préoccupations principales.

    Respect, confiance, écoute… On remarque que les jeunes générations se montrent exigeantes envers la qualité d’atmosphère de leur entreprise. D’où vient ce besoin de confort ?

    V. C. : On perçoit effectivement un besoin de protection, d’évoluer dans des espaces ressentis comme sécurisés. Cela s’illustre par la fin de l’attirance pour les grands groupes, perçus dans les années 80 comme des entreprises ouvertes sur le monde donnant l’impression d’être soi-même un travailleur nomade et mondialisé. Or je pense que dans la dialectique du cocon qu’on observe actuellement, il y a une volonté de « miniaturisation » du monde. C’est quelque chose qu’on vit au quotidien, avec l’émergence de cette possibilité de faire entrer la culture, la consommation et le travail dans nos foyers. Aujourd’hui, cette miniaturisation se déploie sur les entreprises : on veut comprendre tout le processus de production, avoir accès à des managers sans qu’il y ait trop d’échelons hiérarchiques, être dans une bonne ambiance avec un management bienveillant… C’est l’application de la dynamique du cocon à l’entreprise.

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    Les jeunes sont beaucoup plus humbles que ce qu’on dit souvent de la jeunesse.

    Vincent Cocquebert, journaliste et auteur

    Qu’est-ce que cette recherche de cocon en entreprise raconte de leur perception de l’époque ?

    V. C. : Il y a quelque chose qui est de l’ordre d’un désenchantement de la mondialisation, de l’idéologie du progrès. Travailler dans une grande entreprise qui rayonne à l’international selon l’idée que la réussite est synonyme de s’étendre en permanence et de gagner des marchés, cela attirait les travailleurs à l’époque où le mythe du progrès selon lequel « demain sera mieux qu’hier » tenait encore. Pendant des décennies, l’augmentation de la croissance allait de pair avec l’augmentation du bonheur. Mais les jeunes ont grandi avec l’idée que les lendemains seraient de plus en plus durs et économiquement précaires. Aujourd’hui, dire que « c’était mieux avant » est une phrase de bon sens acceptée par la sphère progressiste alors qu’elle était avant réservée aux conservateurs.

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    Les jeunes ont-ils vieilli trop vite dans leur rapport au travail ?

    V. C. : Quand il y avait eu les mouvements anti CPE en 2005, (le gouvernement supprimait l’existence d’un contrat de deux ans réservé aux moins de 25 ans qui pouvait être rompu par les deux parties sans justification), cette rupture a été vécue par la jeunesse comme une extrême précarisation. Ce qui était marquant, c’est que les observateurs médiatiques étaient alors presque déçus de voir des « jeunes vieux » revendiquer de la stabilité et des CDI. Mais la vérité, c’est que le rapport au travail n’a pas vraiment changé depuis les années 70 : qu’ils aient 20 ou 50 ans, que les gens veulent tous de la reconnaissance et de la stabilité. On retrouve cela aujourd’hui : on a beaucoup entendu que les jeunes appréciaient d’avoir trois ou quatre emplois différents, car cela leur permettait de s’épanouir 24h sur 24h. Pour moi, c’était une manière de « cooliser » quelque chose qui est de l’ordre de la précarité. Ce baromètre montre bien que non, la perception du bonheur ne se situe pas dans l’accumulation des métiers, mais bien dans le fait d’avoir un emploi au sein duquel on peut s’épanouir avec une certaine stabilité, en travaillant avec des gens qui sont des vecteurs de bienveillance et de développement, et avec une perspective de s’investir plutôt sur le long terme.

     

    On note néanmoins une tendance à « garder la porte ouverte » comme pour pouvoir s’échapper si, à un moment, leur emploi ne leur convenait plus. Les jeunes ont-ils peur de l’engagement ?

    V. C. : Cette aspiration à la fluidité et de pouvoir changer de perspective en fonction des situations fait partie des tendances de la société. Il y a beaucoup de discours disant que la règle du jeu en entreprise, c’est d’observer en permanence s’il y a de meilleures opportunités autour de soi. Ça vient d’une mentalité de survivalisme entrepreneurial dont la réalité ne s’applique qu’aux très hauts diplômés, mais ne correspond pas à la réalité professionnelle que vivent la grande majorité des gens qui doivent souvent se soumettre à des situations économiques dans lesquelles ils ne sont pas les maîtres du jeu. Je pense qu’on a malgré tout fini par intégrer cette idée de manière discursive, mais que la réalité de sa réalisation est relativement rare. En fait, quand on leur demande quel est leur but dans les années à venir, on s’aperçoit que les jeunes souhaitent rester dans leur entreprise pour un long moment. Pourtant, on dit beaucoup que les jeunes sont globalement « zappeurs » et ne veulent plus s’engager dans la durée, mais ça aussi c’est une idée qu’il faut battre en brèche, car si on leur donne des bonnes conditions, la reconnaissance salariale et l’ambiance au travail suivent, les jeunes sont prêts à s’engager sur du long terme.

    Jeunes et emploi : « On n'attend plus de l'entreprise qu'elle nous dise qui on est »

    43 % des jeunes

    estiment important de pouvoir compter sur des collègues en cas de difficulté. 1

    Des témoignages recueillis, on observe également que les jeunes tiennent beaucoup à leur relation avec leurs collègues. Les jeunes générations se sentent-elles suffisamment armées pour la vie professionnelle ?

    V. C. : C’est une autre idée reçue que ce baromètre vient mettre à mal : on a souvent dit que les jeunes professionnels se sentaient géniaux, n’ayant rien à apprendre de la transmission, voire même pensant que c’était eux qui avaient à transmettre des connaissances aux autres. Or ce qui émerge des réponses sur les premiers obstacles pour intégrer l’entreprise, c’est leur sentiment de manque d’expérience. Ils ont en fait un regard relativement négatif sur leurs compétences en sortie de formation et ce qu’ils peuvent apporter à l’entreprise. Il est clair qu’ils ont conscience que le monde de l’entreprise n’est pas un monde forcément facile, qu’ils vont devoir être dans un rapport assez compétitif par rapport aux autres, et donc que ce seront leurs compétences qui feront la différence. Ils sont dans une position de validation ou d’invalidation, et sont beaucoup plus humbles que ce qu’on dit souvent de la jeunesse.

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    On note pourtant un vrai besoin de liberté, d’autonomie et de confiance de la part des jeunes alors même qu’ils sont au tout début de leur vie professionnelle. De quoi cela témoigne-t-il, si ce n’est pas d’une certaine confiance en leur compétence ?

    V. C. : Pour moi, cela a surtout à voir avec la transformation du rapport au travail en général. Il y a encore peu de temps, c’était les grandes institutions qui nous donnaient une identité : c’était l’État, l’Église, ou l’entreprise. Ces institutions étaient une manière de valider une identité, et l’identité de travailleur était donc centrale. Aujourd’hui, nos identités sont beaucoup plus floues et multitudes, et on n’attend plus de l’entreprise qu’elle nous dise qui on est. En revanche, on attend d’elle qu’elle nous reconnaisse dans notre identité. Dans le baromètre et les témoignages, on voit aussi se profiler la perspective d’une « entreprise providence » : les jeunes attendent de l’entreprise qu’elle nous vienne en aide sur des activités extra-entrepreneuriales, ce qui traduit un rapport de néo-paternalisme avec les entreprises.

    29 % des jeunes

    disent considérer la préservation de l’environnement comme cause prioritaire pour laquelle une entreprise doit s’engager. 1

    Dans les discours, leurs exigences d’engagement envers leurs entreprises semblent confuses et peu concrètes

    Quand on pose la question aux individus par rapport aux responsabilités de l’entreprise, je pense qu’ils répondent plus en tant que consommateurs qu’en tant que salariés. Ils auront tendance à se montrer très exigeants en tant que consommateurs, mais en tant que salariés c’est plus flou, car ça les met eux-mêmes en responsabilité face à leur entreprise, alors que l’entreprise ne leur donne que peu de prise sur ces questions. Globalement, la figure du « salarié éthique » fait partie des aspirations post-matérielles et ne touche que les 20 % de personnes qui peuvent être dans cette posture exploratoire, de progressisme, et in fine de privilégié. Tout le monde ne peut pas se permettre de choisir son entreprise. En fait, on perçoit dans ces entretiens que le rapport au travail change beaucoup moins en termes d’âge ou de générations, qu’en termes de classe économique. Le travail ne prend pas la même place dans la dimension identité de l’individu selon qu’il ait un bac professionnel ou qu’il soit bac+5.

    1 Baromètre Les jeunes et l’entreprise

  • Jeunes et emploi : « C’est particulièrement attirant qu’une entreprise soit moderne »

    Jeunes et emploi : « C’est particulièrement attirant qu’une entreprise soit moderne »

    Romain a mis cette ambition à exécution dès sa sortie d’école et travaille depuis un an en Asie. C’est sa quatrième expérience professionnelle, précédée de deux stages de six mois et d’une expérience d’un an en Île de France. De son côté, Olivier est chargé d’innovation d’un grand groupe d’énergie français. Après ses études d’ingénieur, il intègre cette entreprise dans laquelle il évolue depuis près de 30 ans et recrute régulièrement de jeunes diplômés.

    16 % de jeunes

    projettent d’étudier à l’étranger.1

    Que vous ont apporté vos premières expériences professionnelles ?

    Romain : Tout d’abord, mes premières expériences m’ont permis d’avoir un CV fourni avec de bons éléments permettant d’appuyer mes candidatures dans le domaine que je recherchais, ce qui est toujours mieux que de sortir d’école sans stage. Aussi, d’un point de vue purement professionnel, ça m’a permis de mettre en pratique ce que j’avais appris en cours et de développer des compétences qu’on n’apprend pas à l’école : du relationnel et des compétences transverses comme de la gestion de projet ou le management.

    Olivier : Les critères de recrutement d’un jeune ingénieur sont effectivement le CV, les différentes expériences, mais cela ne fait pas tout. Il y a des choses qui ressortent d’une dimension extra-académique : il va falloir trouver chez le candidat un enthousiasme, une énergie, une ouverture vers le monde extérieur qui n’apparaissent pas dans un CV. Pour ce qui est de la découverte de compétences relationnelles, je pense que c’est une constante indépendamment des cursus universitaires et des générations : les écoles nous aident à penser, mais l’important de l’expérience professionnelle s’acquiert au contact de professionnels et cela tous les jours, depuis le premier jour de travail.

    « Plus d’un tiers des jeunes estiment que leurs compétences servent avant tout à valoriser le CV ». @Jeremie_Peltier revient sur l’enquête commandée par @MacifAssurances et @j_jaures à @BVA_France sur la jeunesse française et son rapport à l’entreprise https://t.co/CPGucsoy0u

    — Usbek & Rica (@USBEKetRICA) March 17, 2022

    De quoi avez-vous besoin pour vous sentir bien dans une entreprise ?

    Romain : L’important pour moi est de faire un travail qui me plaise, dans lequel je puisse m’épanouir, et surtout apprendre. J’espère continuer à me challenger en permanence, monter en compétences et gagner en responsabilité. Je pense qu’au moment où j’atteindrai une limite d’apprentissage dans mon emploi, je ne verrai plus grand intérêt à continuer : il vaudra peut-être mieux que je change d’orientation. Je pense par ailleurs qu’il est essentiel de s’entendre avec ses collègues, car ce sont eux qui nous forment. Cela permet également de savoir vers qui se tourner si on a besoin d’aide. Pareil pour ce qui touche au management : j’ai toujours eu affaire à des managers professionnels et bienveillants, sachant faire la part des choses entre parler travail quand c’est nécessaire, et être proches de leur équipe. J’ai aussi besoin qu’on me laisse beaucoup d’autonomie. Dans mon travail actuel, je fais les heures que je veux tant que le travail est fait, et c’est quelque chose que je valorise beaucoup.

    Olivier : Il faut avoir en tête que plus il y a de demande dans un secteur professionnel, plus les travailleurs sont en mesure de se montrer exigeant sur leurs conditions de travail. C’est ce qu’il se passe dans le monde de l’ingénierie : aujourd’hui, le pouvoir est du côté des diplômés, pas des entreprises. Les jeunes ont donc la possibilité du choix, bien plus qu’il ne l’était quand j’ai accédé au monde du travail. À mes débuts, on arrivait avec relativement peu de critères, tandis que les jeunes ingénieurs sont plus exigeants sur la pertinence de l’activité qui va leur être confiée, l’autonomie, la qualité de vie, la qualité de l’équipe et du management…

    Dans quel modèle d’entreprise pensez-vous être le plus à l’aise pour évoluer ?

    Romain : D’après mon expérience, quand on est dans un grand groupe, c’est un peu quitte ou double : si on tombe sur une bonne équipe c’est parfait, mais si on tombe sur du management un peu laxiste, ça risque d’être compliqué. Souvent, dans des groupes importants, on est un élément parmi tant d’autres, donc on n’a pas forcément tout le support dont on aurait besoin alors qu’on sort tout juste d’école. C’est pour ça qu’au début, je pense que le mieux est d’évoluer dans des entreprises un peu plus réduites et familiales. Le risque, c’est d’avoir moins d’opportunités professionnelles, ou peu de possibilité d’avoir des missions spécifiques, mais il y a plus de chances que ce soit plus confortable humainement.

    Olivier : Nous avons connu plusieurs phases : il y a 20 ou 30 ans, les jeunes cherchaient de grosses PME ou des grands groupes. Puis, à la fin des années 90, tout le monde a voulu intégrer des start-ups. Aujourd’hui j’ai l’impression que ça s’équilibre un peu, que chacun va trouver ce qu’il cherche en particulier dans son expérience professionnelle. Je pense qu’on va trouver des enseignements riches quelle que soit la taille de l’entreprise où l’on va faire sa première expérience. Dans un grand groupe industriel, on va apprendre à réfléchir à grosse échelle, à raisonner grand, efficace, et avec des moyens. On va également pouvoir s’appuyer sur un environnement avec beaucoup de compétences. Mais le corollaire de cela, c’est un peu moins d’autonomie, un peu plus de complexité, un peu plus de lourdeurs administratives, et un peu moins de confiance donnée à un jeune diplômé dans sa capacité à identifier et à promouvoir des solutions qu’il aurait imaginé lui. Dans une petite structure, on pourra accéder à une expérience formatrice parce qu’on va être confronté un peu seul à des problématiques d’ingénieur, mais en revanche on aura pas cette dimension de grande échelle.

    43 % des jeunes

    indiquent que leur attente principale vis-à-vis de leur travail se situe au niveau du salaire. 1

    Une bonne rémunération est-elle un élément décisif pour choisir une entreprise ?

    Romain : Ça ne me motiverait pas à rejoindre une entreprise si elle me proposait un salaire bien en dessous de celui de mes camarades qui sont aussi sortis d’école ou de la moyenne nationale. En somme, c’est une manière de mesurer la valeur de mon travail. Pour moi, l’argent est avant tout une question de sécurité. Cela permet d’une part de vivre tous les jours, mais aussi de faire des projets, comme acheter une maison et d’anticiper des évènements de vie comme un licenciement, un décès, des voyages…

    Olivier : J’observe depuis une dizaine d’années une tendance nouvelle du rapport des jeunes à leur rémunération : les jeunes considèrent qu’ils sont suffisamment payés entre 35, 38, ou 40k. Ils disent qu’ils ont « assez » pour vivre. Il y a un effet de palier sur un salaire minimum, qui garantit une certaine forme de confort et de reconnaissance sur le marché du travail, et à partir duquel le salaire ne devient plus important.

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    42 % des jeunes

    disent souhaiter avoir la possibilité de travailler depuis chez eux de temps en temps. 1

    Quelle place donneriez-vous au télétravail dans votre entreprise si vous aviez le choix ?

    Romain : À mes yeux, le format télétravail complet n’est pas quelque chose de viable pour une entreprise : c’est trop important d’avoir un contact réel avec les gens, et je pense qu’à terme, c’est préjudiciable pour le moral de n’avoir aucun contact avec son entreprise et ses collègues, si ce n’est en visio… Je pense que beaucoup de gens se laissent aller quand ils font du télétravail. Et puis le risque, c’est aussi d’oublier qu’on travaille ! À mon sens, ça peut être viable de faire un ou deux jours de télétravail par semaine, mais de manière autorisée et pas obligatoire pour prendre en compte les gens qui préfèrent passer toute la semaine au bureau.

    Olivier : Je doute que Romain soit représentatif de sa génération sur ce point : aujourd’hui, les professionnels de mon entourage me disent que la première question qui est posée à un jeune embauché est : « combien de jours de présentiel et de distanciel souhaitez-vous ? ». Le télétravail touche au lieu où l’on va exercer son activité professionnelle, ce qui est très important car il y a un enjeu autour du confort de vie qui se situe au niveau de la ruralité versus urbanité : est-ce que je vais être obligé de vivre en région parisienne pour travailler en région parisienne, ou est-ce que je peux aller vivre à Orléans ou aux Canaries parce que c’est là que j’ai envie d’être ? A mon sens, cette dimension-là va devenir de plus en plus prégnante dans le futur, jusqu’à devenir un facteur différenciant pour les employeurs

    1 Baromètre Les jeunes et l’entreprise

  • Jeunes et emploi :  “Le revenu représente la valeur de notre travail”

    Jeunes et emploi : “Le revenu représente la valeur de notre travail”

    Parole à Julie, Lyonnaise de 23 ans installée à Bordeaux, en fin de bachelor à l’Ecole supérieure des professions immobilières et exerçant son quatrième stage en agence. Face à elle, Joël a 23 années d’expérience dans l’immobilier à Montluçon et a évolué au sein de grandes agences jusqu’à devenir directeur. Suite au confinement, il est devenu indépendant.

    Vous avez choisi de vous diriger vers l’immobilier, un secteur au fonctionnement très spécifique, le salariat y étant quasiment inexistant.

    Julie : Exactement : quand vous entrez dans une agence, il y a un directeur possédant une « carte T » ce qui lui donne le droit d’effectuer des transactions immobilières et de créer une agence. Il est souvent entouré de six ou sept personnes. Les gens ont tendance à penser que ce sont des salariés, mais en fait il y a très peu de salariés dans les agences immobilières : ce sont des personnes qui veulent avoir un salaire fixe, mais gagnent beaucoup moins bien leur vie que ceux qui sont indépendants. L’agence immobilière prête le droit d’utiliser le nom de l’agence pour travailler, donc il n’y a pas de lien de subordination ou de lien hiérarchique. Pour ça, on lui donne [au directeur] une rémunération, à hauteur de 50 % de ce qu’on gagne, et on signe un contrat qui stipule qu’on est lié avec une seule agence. Cela crée quand même un lien fort avec le directeur d’agence, mais on ne peut pas se faire licencier : on a un lien de collaborateur.

    43 % des jeunes

    disent attendre prioritairement de leur travail qu’il leur assure un bon revenu. 1

    Comme ces 43 % de jeunes, le salaire est-il important pour vous ?

    Julie : Je me suis jamais dit « je veux gagner tant par mois », mais j’ai un rythme de vie où j’aime voyager, j’ai une voiture, j’aime partir en week-end, j’aime profiter. J’aimerais garder un niveau de vie proche de celui avec lequel j’ai grandi. C’est justement pour ça que j’ai décidé de faire des études : c’est pour avoir ma propre carte Transaction, et être autonome sans avoir à donner la moitié de mon argent à quelqu’un. En attendant, j’apprécie que la rémunération fonctionne à la commission. Je ne voulais pas être dans un mode de vie professionnel salarial. Travailler à la commission, ça veut dire que chaque mois, je gagne une somme différente : je peux ne rien gagner du tout, comme beaucoup d’argent, c’est le côté excitant du métier. Le côté challenge de la rémunération m’attire : si je ne me lève pas tous les matins avec la niaque, ça ne va pas venir tout seul.

    53 % des jeunes

    considèrent qu’en début de carrière, ils doivent avant tout gagner en expérience. 1

    C’est un fonctionnement qui peut être très valorisant, mais qui pourrait aussi insécuriser plus d’un. Qu’est-ce qui vous attire dans le format de l’auto-entreprenariat que le salariat pourrait plus difficilement vous apporter ?

    Julie : Je recherche la liberté de l’emploi du temps. J’aime bien la pédagogie de la personne pour qui je travaille en ce moment : il nous donne des objectifs quantifiés à accomplir dans la semaine, et il nous laisse organiser nos horaires comme on veut tant qu’on a rempli nos tâches le vendredi à 20h. Donc si je veux partir en week-end, rentrer le lundi soir et rattraper mon travail, personne ne viendra me dire quoi que ce soit. Je ne pars pas toutes les semaines, mais avoir la liberté de prendre un train sans avoir à demander à son boss si on peut partir le vendredi à 15h, ou même prendre un rendez-vous chez le médecin, c’est très pratique.

    Joël : La première chose à laquelle j’aspirais en devenant indépendant, c’était de pouvoir être totalement libre de mon activité : gérer son temps comme vous le voulez, se payer le luxe de prendre le temps… Ensuite, j’apprécie de ne plus avoir de pression managériale de directeur, ni de travailler avec des supérieurs qui ne sont pas capables de vous mettre en valeur. Aujourd’hui j’ai choisi de faire mon travail librement, comme j’en ai envie, avec passion, sérénité, et à mon rythme.

    12 % des jeunes

    aimeraient télétravailler à temps plein, contre 42 % de temps en temps.1

    Le bureau est-il un lieu qui vous est indispensable ?

    Julie : De mon côté, je deviens complètement folle sans bureau ! J’ai fait l’expérience du télétravail à temps plein et je ne me suis vraiment pas sentie bien, je l’ai vu sur mon mental, sur mon envie de travailler, sur ma motivation, mes résultats… ça n’allait pas du tout. En revanche, j’aime bien couper la poire en deux : passer les matins à la maison et les après-midi au travail par exemple. Mais je sais que j’ai vraiment besoin d’aller au bureau tous les jours. C’est ambivalent, parce que d’un côté je veux être seule, ne pas avoir de patron, choisir mes horaires et mener mon chemin, mais d’un autre côté je suis jeune, j’ai besoin d’être accompagnée, il me faut de l’expérience et du réseau. Et puis, avoir des collègues c’est génial ! Ça permet de poser des questions, d’avoir des avis différents, de se rendre des services et de se soutenir. C’est pour ça que j’adore ce métier : on est auto-entrepreneurs, mais on a une équipe avec des intérêts communs, des réunions…

    Joël : Ça peut être utile de prendre un peu de recul. J’ai découvert que je ne me sentais plus bien au travail en découvrant le télétravail au cours du premier confinement : subitement, je n’étais plus en contact avec certaines collègues qui me posaient des problèmes et avec lesquels je ne m’entendais pas. Mais je dois avouer que je ne suis pas un grand fanatique du télétravail : je défends ceux qui le pratiquent parce que tant mieux pour eux s’ils se sentent bien, mais personnellement, j’estime que mon travail doit rester en dehors de ma vie privée et familiale.

    Lire aussi : « Les jeunes sont à la recherche d’une entreprise à taille plus humaine »

    …et une ou un manager. Est-ce que vous appréciez d’avoir quelqu’un au-dessus de vous, et qu’attendez-vous d’elle ou de lui ?

    Julie : J’ai eu quatre managers différents dans ma vie, et j’ai à chaque fois été agréablement surprise de leur bienveillance, de leur gentillesse, de la confiance qu’ils m’ont donnée rapidement, et surtout de la récompense. Toujours soutenir, dire quand ça va et quand ça ne va pas. Ils m’ont toujours beaucoup encouragée. Pour moi la bienveillance est très importante, j’ai besoin qu’on me dise : « allez tu essayes, et si ça ne va pas, ce n’est pas grave ». Ce côté rassurant, sans trop de pression, m’aide à évoluer dans mon travail. Pour les débuts, je pense que travailler avec quelqu’un est super enrichissant. Mais pour plus tard, si j’en ai marre ou qu’il se passe quelque chose, je sais que je peux être chef d’entreprise. Ce n’est pas pour tout de suite, mais dans 30 ans pourquoi pas.

    Joël, vous avez vu passer de nombreux stagiaires et alternants de tous les âges. Avez-vous noté des évolutions dans leur rapport au travail au fil des générations ?

    Joël : Dernièrement, j’ai trouvé les jeunes de plus en plus scolaires dans leur manière d’aborder les choses. Ils vont faire les tâches qu’on leur attribue de manière appliquée avec les informations données, mais sans se permettre d’ajouter une touche imaginative. À l’extrême, ils semblent un peu perdus quand on leur laisse trop de latitude, comme s’ils étaient dépassés par l’autorisation de faire comme ils le veulent. Pour moi, ça indique une frilosité à sortir de leur zone de confort. J’ai également noté que le contact humain ne s’acquiert que beaucoup plus tardivement chez les jeunes, ce qui est problématique dans un métier où il faut vraiment être très à l’aise avec les clients pour susciter leur confiance. Je pense que ces impressions viennent du fait que les jeunes voient d’autres priorités que leur travail. A mon avis, cela pourrait s’expliquer par le fait que les jeunes ont grandi avec l’image de leurs parents ayant travaillé toute leur vie, et peut-être pas dans un métier qui était plaisant. Peut-être que le travail ne leur a jamais été montré comme quelque chose d’enthousiasmant ! Et comment essayer de convaincre quelqu’un de faire quelque chose quand il a vu les précédents le faire avec peu d’envie ?

    Considérez-vous que votre métier sert la société ?

    Julie : J’ai choisi de me diriger vers un métier de service dans le haut de gamme, je sais que ce n’est pas un métier utile pour la société. Dans le passé j’ai déjà travaillé un peu dans la santé pour aider ma famille, et c’était très différent : j’allais au travail pour les gens, sans même savoir combien on me payait, je n’avais même pas posé la question ! Alors que dans l’immobilier, tout se base sur la rémunération, c’est le point central de la discussion. C’est vrai que le côté « social » peut risquer de me manquer à un moment, mais je dois dire que je ne me pose pas du tout la question pour l’instant. Je prends les choses comme elles viennent, avec une vision à un ou deux ans, et je me laisse toutes les options possibles : voyager, faire une année sabbatique, changer de métier, recommencer des études…

    L’engagement d’une entreprise peut se traduire par divers aspects : les jeunes attendent en priorité d’une entreprise qu’elle s’attache aux problématiques environnementales et discriminatoires.

    Joël : J’observe que les entreprises font de plus en plus d’efforts sur le plan écologique : chez nous, on fait attention aux dépenses énergétiques, comme nous faisons beaucoup de déplacements, beaucoup de personnes utilisent des véhicules électriques ou hybrides… On peut aussi intégrer ces problématiques au cœur du métier : quand je travaille sur des maisons où il y a des travaux et de la rénovation à faire, souvent on aborde les problématiques environnementales concernant le système de chauffage, l’isolation, les matériaux plus ou moins responsables… On fait les choses à notre échelle, même si on ne peut pas forcer les gens à recevoir notre discours. Aujourd’hui, je pense qu’une entreprise ne peut pas se permettre de passer à côté de ça.

    Julie : Je sais que l’immobilier n’est pas un bon secteur d’un point de vue environnemental. Je me rassure en me disant que je fais de la transaction dans des bâtiments déjà construits : si je faisais de l’immobilier dans du neuf ou de la promotion, je ne m’y retrouverais pas. C’est l’un des secteurs qui pollue le plus, c’est affolant ! In fine, j’aimerais bien faire de la rénovation, redonner une deuxième vie à quelque chose : enlever les passoires thermiques, ça me parle pour l’avenir. Ça peut aussi passer par des petites choses. Par exemple, là où je travaille actuellement, nous avons un partenariat avec WWF qui nous a aidé à réduire le papier de manière très importante, on essaie de se déplacer à pieds autant que possible… En 2022, je pense qu’on doit se poser des questions sur la manière dont on pratique nos métiers.

    1 https://www.jean-jaures.org/publication/les-jeunes-et-lentreprise/

  • « Les jeunes sont à la recherche d’une entreprise à taille plus humaine »

    « Les jeunes sont à la recherche d’une entreprise à taille plus humaine »

    La crise de Covid-19 a accéléré des tendances émergentes du marché du travail, auxquelles les personnes fraîchement diplômées ont dû s’adapter. Comment cela se traduit-il dans le rapport des jeunes à l’entreprise ?

    Jérémie Peltier : Les résultats de notre étude montrent qu’en raison de cette crise, les jeunes ont vieilli dans leur cœur et dans leur tête. On constate qu’ils partagent avec la génération précédente certaines aspirations communes, notamment celle de vivre décemment : pour 43 % d’entre eux, les principales attentes vis-à-vis du travail demeurent bien en « un poste bien payé » afin de subvenir à leurs besoins. Une revendication concrète que les analystes évacuent trop rapidement au profit des questions liées aux engagements éthiques et sociétaux, à la quête de sens, à l’utilité sociale qu’on entend beaucoup dans le débat public. Il aura donc fallu attendre la crise pour remettre cette question salariale au goût du jour. Le contexte économique les a rendus plus stratèges dans leurs façons de gérer leur avenir, alors qu’on disait beaucoup de la jeune génération qu’elle aimait multiplier les expériences professionnelles. L’enquête démontre une volonté émergente de rester plus longtemps au sein d’une entreprise, « autant que possible » pour 28 % d’entre eux. Cette envie de stabilité et de sécurité -gage de sérénité-, est probablement le produit de la crise sanitaire.

    Lire aussi : « Les jeunes ont moins peur de quitter leur entreprise »

    Comment les jeunes interrogés projettent-ils de valoriser les compétences acquises lors de leur formation ?

    J. P . : Quand on interroge les jeunes, on s’aperçoit qu’une grande partie de leur stratégie en termes de formation, de stage et d’emploi, s’articule d’abord autour d’un seul et même objectif : acquérir un CV solide. Ils ont le sentiment qu’au final c’est ce qui sera déterminant pour intégrer le marché du travail. Et on a parfois l’impression que cette stratégie prend le dessus sur les objectifs intrinsèques de la formation, à savoir apprendre des choses, s’ouvrir des domaines de compétences, etc. C’est une spécificité française qu’on connaissait et qui est largement confirmée ici : la France donne beaucoup de place à la formation, à la scolarité, au diplôme et donc au CV. En conséquence, beaucoup de jeunes s’imaginent que les entreprises auraient tendance à ne pas accorder assez de confiance aux jeunes qui viendraient simplement « taper à la porte » parce qu’ils sont motivés, ou qu’ils ont envie de travailler, s’ils n’ont pas le CV parfaitement adéquat pour le job en question.

    1 jeune sur 3

    estime que ses compétences servent avant tout à valoriser son CV. 1

    De quelles qualités managériales les jeunes ont-ils besoin pour se sentir bien au travail ? / De quelles manières les jeunes ont-ils besoin de se sentir valorisés dans leur travail ?

    J. P. : Il y a une autre spécificité française dans le monde du travail, et qui pour le coup ne porte pas seulement sur les jeunes générations, qui est liée au sentiment de manque de reconnaissance de la part des employeurs et des managers vis-à-vis de leurs salariés. Pourtant, ils ont globalement une vision positive de l’intérêt de leur travail, puisque quand on compare la France avec d’autres pays comme la Grande Bretagne, les Etats-Unis, l’Allemagne ou l’Italie, de manière générale, les salariés français ont l’impression que leur travail est utile pour la société (ce que projettent 37 % des jeunes interrogés dans le cadre de notre baromètre), pour leur entreprise et pour eux-même. Par contre, elle est plus touchée que les autres pays par le manque de reconnaissance qui peut être lié aux tâches effectuées, à vos compétences, au statut que vous considérez être le vôtre au sein d’une entreprise, à un salaire que l’on estime trop faible… Mais la reconnaissance n’arrive qu’en deuxième position dans le baromètre : quand vous leur demandez quelles devraient être les qualités premières d’un manager, le premier élément est qu’il doit rendre le travail épanouissant. Or les conditions pour ressentir l’épanouissement, le contentement, ou encore l’accomplissement, c’est la confiance dans la tâche qui est donnée et le fait d’être en autonomie.

    📊 Pour 55% des 18-24 ans, l’élément le plus important dans une #entreprise est une bonne ambiance entre collègues.

    L’intégralité des résultats du Baromètre Fondation / @MacifAssurances réalisé par @BVA_France : https://t.co/EALDhZNvWM pic.twitter.com/VajLdhholr

    — Fondation Jean-Jaurès (@j_jaures) December 16, 2021

    Quels types d’entreprises attirent le plus les personnes consultées ?

    J. P. : 39 % des jeunes citent l’entreprise locale comme modèle d’entreprise rêvée, et la start-up arrive deuxième avec 26 % des réponses. Pour moi, ça traduit deux choses : les jeunes sont à la recherche d’une entreprise beaucoup plus à taille humaine, où tout le monde se « connaît », où l’on ne serait pas obligés de passer par dix strates de validation avant d’avoir le droit de faire quelque chose. Par ailleurs, et cela y fait écho, pendant la crise, on a beaucoup parlé de la revalorisation de la famille, du cocon. Nous voyons dans ce baromètre que les jeunes recherchent maintenant un cocon dans l’entreprise, quelque chose d’assez bienveillant. Et puis, il y a l’effet de la crise sanitaire sur la valorisation du local, le départ des habitants de métropole vers des moyennes villes de province… D’ailleurs, quand nous entendons « entreprise locale », nous entendons entreprise dans une ville de taille moyenne. Par ailleurs, quand nous leur demandons ce qu’est l’entreprise idéale, c’est intéressant de voir que les grosses entreprises du CAC 40 ne font absolument pas rêver la jeune génération : seuls 13 % des interrogés rêvent d’en rejoindre une. On peut faire le lien avec le manque de confiance que ressentent les jeunes : si on ne nous fait pas confiance, autant être son propre patron, ou rejoindre une entreprise où vous aurez une autonomie et une liberté importante. On peut penser que le modèle start-up, en tout cas comme il est décrit et pensé dans les imaginaires, est une entreprise où il y aura un degré d’autonomie plus important qu’au sein d’une entreprise du CAC 40.

    Lire aussi : Jeunes et emploi : « C’est particulièrement attirant qu’une entreprise soit moderne »

    Le baromètre confirme que les jeunes générations sont plus exigeantes que les précédentes envers les valeurs portées par leur entreprise. Quelles preuves d’engagements attendent-elles concrètement ?

    J. P. : J’aime bien la phrase « des paroles et des actes ». Globalement, tout ce qui est de l’ordre des paroles, des prises de position médiatiques et publiques de la part d’une entreprise ou d’un patron ne sont absolument pas considérés comme des engagements sincères. C’est comme dans une histoire d’amour : les grands discours c’est bien, mais seules comptent les preuves concrètes d’engagement. Et les demandes de preuves qui arrivent en tête dans le baromètre sont vraiment très concrètes : 26 % des jeunes attendent de leur future entreprise qu’elle ne travaille pas avec des fournisseurs qui ne respectent pas les engagements qu’elle porte. C’est la création d’un système vertueux autour de l’entreprise. La deuxième preuve d’engagement concrète est pour 25 % des jeunes le fait de nouer des partenariats avec des associations. Ça montre aussi que les jeunes sont beaucoup plus sensibles aujourd’hui au milieu associatif et politique : 29 % d’entre eux considèrent qu’une entreprise doit s’engager pour la préservation de l’environnement, 27 % pour la lutte contre le racisme et les discriminations, 25 % pour la lutte contre les inégalités entre les genres.. Et le troisième élément, c’est le fait de faire des dons tous les ans pour des causes ou des associations.

    Lire aussi : Jeunes et emploi : « On n’attend plus de l’entreprise qu’elle nous dise qui on est »

    Les jeunes travailleurs consultés sont a priori des digital natives. Pour autant, seuls 12 % d’entre eux trouveraient souhaitable de télé-travailler à temps complet, quand 42 % aimeraient pouvoir travailler depuis leur domicile de temps à autre.

    J. P. : Quand vous leur demandez quels sont les éléments les plus importants dans leurs rapports avec leurs collègues, la bonne ambiance entre collègues est citée par 55 % des jeunes. Pour moi, cet élément vient pondérer l’ode au télétravail qu’on a pu faire tout au long de la crise : une bonne ambiance sans rapports physiques et sans vie collective, c’est plus compliqué ! La jeune génération est suffisamment à l’aise pour avoir des formes hybrides, un mix entre du présentiel et du domicile, mais le « bureau » n’est pas un lieu obsolète pour la jeune génération.

    Les jeunes semblent attendre beaucoup de l’entreprise. Que racontent ces exigences ?

    J. P. : Les jeunes demandent des choses à l’entreprise parce qu’ils semblent considérer qu’elle est plus à même de répondre, de réagir et de leur être utile que les pouvoirs publics. 72 % des jeunes trouveraient normal que leur entreprise les aide dans leur accès au logement par exemple, ou dans la mobilité. Plus de 8 sur 10 trouveraient normal que leur entreprise les aide à avoir une meilleure connaissance de leurs droits en tant que salariés : mutuelles de santé obligatoires, droits ouverts par leurs cotisations, compte personnel de formation, etc.

    1 Baromètre Les jeunes et l’entreprise

  • Instagram, un laboratoire pour la jeunesse militante

    Instagram, un laboratoire pour la jeunesse militante

    Réseau préféré des jeunes il y a seulement quatre ans, Facebook s’est progressivement éclipsé au profit d’Instagram, encore couronnée cette année à la première place du classement. Initialement connue pour ses influenceurs mode et lifestyle, la plateforme a finalement troqué cette image pour celle d’un réseau social aux contenus engagés et partageables à l’infini. Féminisme, antiracisme, droits des LGBTQI+, lutte contre la grossophobie… Les causes sont diverses et portées par de jeunes comptes. Pourquoi cette nouvelle génération a choisi de s’engager sur Internet et qu’en a-t-elle retiré ? Décryptage.

    De Tumblr à Instagram

     Lorsque Ntumba Matunga se lance sur Instagram, elle cherche avant tout un moyen d’expression. Du nom de Tétons Marrons, son compte afroféministe est aujourd’hui suivi par 69 000 personnes. Mais à la genèse du projet en 2018, la styliste de formation répond surtout à une observation : « Je ne me sentais pas représentée dans les médias traditionnels en tant que femme congolaise. Je voulais créer une plateforme où les femmes comme moi se sentiraient comme à la maison en parlant de leurs problématiques ».

    Instagram, un laboratoire pour la jeunesse militante

    Une publication éducative de Tétons marrons sur la charge mentale 

    Quelques années auparavant, Ntumba se serait sûrement tournée vers un blog. « La sphère militante n’a pas attendu Instagram », résume Laurence Allard, maîtresse de conférences en sciences de la communication à l’Université de Lille/IRCAV-Paris 3. « Au début d’Internet, elle utilisait les listes de diffusions par mails, puis les blogs et Tumblr. Aujourd’hui on a YouTube, Instagram, Snapchat et TikTok ». Et d’ajouter : « Un bon exemple est celui du féminisme 2.0, avec le hashtag #Metoo. Mais aussi le mouvement Black Lives Matter, à son apogée lors des émeutes de Ferguson en 2014, qui sont racontées et organisées via Tumblr et Twitter. Aujourd’hui depuis la pandémie et la mort de George Floyd, on retrouve cette cause plutôt sur TikTok et Instagram ».

     

    Instagram, un laboratoire pour la jeunesse militante

    BLM Nantes, un compte Instagram français créé après le décès de George Floyd, tué par un policier américain lors d’un contrôle. 

    Mais sur Instagram, les créateurs de contenus comme Ntumba Matunga ont pu renforcer leur sentiment de légitimité. Car au départ, l’initiative était modeste : « Je ne m’attendais pas du tout à intéresser quelqu’un d’autre que mes copines », se souvient l’afroféministe. Quand son compte gagne en popularité, elle commence à subir du harcèlement mais garde la tête froide lorsqu’elle comprend qu’elle n’est pas seule : « Je voyais de plus en plus de comptes se créer donc ça m’a donné de la force ».

    Plusieurs voix pour un seul mouvement

    Il faut dire que beaucoup de comptes se sont créés à la même période, autour de 2018. C’est le cas de Corpscools, un compte qui lutte contre la grossophobie depuis 2019. La créatrice se lance d’abord par urgence personnelle : « Par les violences que j’ai subies, je bouillonnais de choses à dire sur le sujet et j’avais besoin de m’exprimer ».

    Instagram, un laboratoire pour la jeunesse militante

    Une publication de Corpscools, mettant en avant la musicienne et DJ Barbara Butch 

    Comme elle est graphiste de formation, elle se donne pour objectif de  mettre en avant des œuvres, des podcasts et des textes historiques sur le sujet. Plus précisément, de créer une « bibliothèque de choses cools sur le sujet ». Elle raconte : « Au début, c’était souvent une phrase accompagnée d’une photo et d’une référence.  J’avais un problème de légitimité, j’avais plein de choses à dire mais je n’osais pas. Aujourd’hui, je me permets de développer un regard critique sur ce que je partage et je défends davantage des idées ». Une formule qui a porté ses fruits puisque Corpscools comptabilise maintenant 24 000 abonnés.

    « Instagram m’a donné des opportunités folles »

    À la genèse du projet, il y a encore peu de paroles visibles sur la grossophobie. La  graphiste se souvient surtout des livres Gros n’est pas un gros mot écrit par l’association Gras politique et On ne naît pas en grosse, de Gabrielle Dédier. Mais peu à peu, Instagram fait son travail : « Les hashtags permettent de nouer, d’amplifier et d’articuler des témoignages individuels en une histoire collective », analyse Laurence Allard. Des témoignages structurés par des discours sociologiques habituellement cantonnés au champ universitaire : « C’est réjouissant de voir ces théories toucher les jeunes sous des formes inattendues plutôt que dans un livre avec des notes de bas de page ».

    Une amplification qui a permis à la créatrice de Corpscools de gagner en légitimité et de se voir proposer des opportunités. Contactée par plusieurs maisons d’éditions, elle a aussi créé son association Fat friendly, qui propose un outil collaboratif afin de répertorier les lieux accessibles à toutes les personnes, quel que soit leur poids. Elle espère même à réaliser son rêve de toujours : ouvrir un centre médical spécialisé pour les personnes grosses face à la difficulté d’obtenir des soins adaptés. Elle ne réalise toujours pas : « Ça me paraît incroyable. Instagram m’a donné des opportunités que je n’aurais jamais imaginées ». 

    Un engagement esthétique

    Si ces comptes ont eu tant d’impact, c’est aussi car ils ont su s’adapter à leur public. « Sur Instagram, on a des dimensions textuelles, audio et visuelles. Ça permet un mix intéressant », souligne Laurence Allard.

    « Le carrousel d’Instagram est devenu la nouvelle affiche »

    Assiste-on pour autant à un renouveau des mobilisations ? Selon l’universitaire, il s’agirait plutôt d’une formidable adaptation : « Le carrousel d’Instagram est un peu devenu la nouvelle affiche. On retrouve des techniques de mobilisation traditionnelles mais avec un design facilement customisable. Ça correspond aussi au moment où les colleuses féministes ont redonné de la noblesse à cet outil de mobilisation en collant leurs affiches féministes dans nos rues. ».

    Instagram, un laboratoire pour la jeunesse militante

    Une publication de Corpscools, réalisée grâce à la fonctionnalité « Carrousel »

    Apparue en 2015, cette fonctionnalité surnommée « Powerpoint militant » par Slate, a en effet grandement favorisé les contenus engagés en donnant plus de place au texte. « L’un des grands points forts du Carrousel est son interactivité », résume même l’agence d’influence Hivency sur son site.

    Engagement ou mimétisme ?

    Redoutables lorsqu’on s’intéresse à leurs nombres de followers, ces comptes sont pourtant souvent tenus par une seule personne. Contrairement à une association ou un parti politique, les contenus publiés ne font pas l’objet d’une relecture ou d’un débat. « Le militantisme Instagram valorise l’individu au détriment du collectif et certains militants tombent dans le piège en incarnant leur lutte en devenant presque des influenceurs ou influenceuses. Beaucoup font des partenariats rémunérés avec des sextoys ou des culottes menstruelles – car ces produits sont estampillés féministes – alors que cela reste des marques », précise la créatrice de Corpscools, qui préfère rester dans l’ombre derrière son message.

    Pour Laurence Allard, cette individualisation n’est pas nouvelle « Mais le numérique pose aussi la question de notre attention, car le design de ces réseaux sociaux est fait pour nous capturer le plus de temps possible, donc nous enrôler rapidement ». C’est particulièrement le cas sur TikTok, qui incite à reproduire des challenges « C’est comme un karaoké politique, on répète ce qu’on entend mais il ne s’agit pas de sa propre parole. On l’a vu notamment avec le hashtag #Anti2010, partagé 40 millions de fois et destiné à harceler les élèves de sixième ». 

    Instagram, un laboratoire pour la jeunesse militante

    Sur son compte TikTok, le chanteur Bilal Hassani reproduit une tendance « Lève la main si » afin de sensibiliser à l’anxiété et la dépression 

    Si l’enjeu n’est pas forcément de s’engager dans « la vraie vie », résume l’universitaire, il s’agit surtout « d’apprendre à aller chercher plusieurs sources et réfléchir par soi-même ». Des conseils applicables de la même manière dans les univers virtuels et réels.

  • Profession : Solidaire – Les conseils de l’entrepreneure sociale Joséphine Goube

    Joséphine Goube met la Tech au service des réfugiés. À la tête de Techfugees Inclusion, une association déployée en France, en Italie et en Grèce, cette entrepreneure de 32 ans soutient, à travers l’innovation, l’inclusion des personnes déplacées. 
     

    Tout a vraiment commencé à la suite de l’onde de choc causée par la photographie tragique de l’enfant syrien Aylan Kurdi, mort échoué sur une plage turque en 2015. Cette même année, le rédacteur en chef du site d’information TechCrunch Europe, Mike Butcher, lance à Londres la start-up TechFugees, réunissant des développeurs, des humanitaires et des entrepreneurs sociaux.

    Parmi eux, la Française Joséphine Goube, qui pilote aujourd’hui la branche associative et sensibilise le monde de la technologie à cette cause grâce à des « hackathons », des conférences ou des enquêtes de terrain. De quoi disposer de conseils précieux et concrets afin de vous permettre à votre tour de vous lancer dans l’entrepreneuriat social et solidaire.

    Les quatre conseils de Joséphine Goube

    Conseil n°1 : Choisir une cause qui vous importe

    « C’est assez simple, mais très important : il ne faut pas choisir quelque chose pour lequel vous n’envisagez pas de vous lever pendant les dix prochaines années. Si vous ne le sentez pas, ne le faîtes pas, car cela risque vite de vous épuiser. »

    Conseil n°2 : Ne pas vouloir « sauver l’humanité »

    « L’idée est plutôt de contribuer à résoudre le problème. C’est une autre dimension, parce que l’on vient alors aider à sa propre échelle, dans ses propres dimensions et dans ses capacités, et on puise dans ses forc

    « Quand on est entrepreneur social, il y a des principes que l’on ne peut pas renier par souci d’efficacité »

    Joséphine Goube

    Conseil n°3 : Faire un budget

    « Il faut le faire tout de suite, avant d’entreprendre quoi que ce soit. Il faut être très complet. C’est un classique : doublez vos charges, divisez par trois vos revenus, et pensez toujours à comment créer de la valeur et à la re-capturer. »

    Conseil n°4 : Ne pas tomber dans le « tourbillon médiatique » 

    « L’objet n’est pas la communication mais l’action. Si la communication peut pousser à l’action, c’est très bien, mais on voit aujourd’hui avec les réseaux sociaux que cela n’est pas toujours le cas. La communication peut nous faire perdre pied avec la réalité, et lorsqu’on fait du social ou de l’humanitaire, on n’a d’autre choix que de se confronter à la réalité et d’agir dessus. Il ne faut pas s’enfermer dans sa bulle. »

    Vous souhaitez vous lancer dans l’entrepreneuriat social ?

    La Fondation Macif soutient chaque année de nombreuses initiatives solidaires et sociales.

  • Profession : Solidaire – Les conseils des entrepreneures Amélie Frély et Lucille Valton

    Profession : Solidaire – Les conseils des entrepreneures Amélie Frély et Lucille Valton

    Mettre en relation des étudiants et des seniors afin de permettre aux premiers de s’occuper des seconds, tel est le défi de Granny & Charly. Aux manettes de cette start-up lancée au printemps 2020, Amélie Frély et Lucille Valton racontent, de l’intérieur, comment se lancer dans l’entrepreneuriat

    Pour trouver la bonne idée, il suffit parfois simplement de regarder autour de soi. Le nom du réseau d’étudiants de confiance mis en place, partout en France, par Lucille Valton et Amélie Frély vient ainsi de la grand-mère de cette dernière, baptisée « Granny » dans le cercle familial.

    Plus d’un an après son lancement, la start-up réunit aujourd’hui plus de 3 000 jeunes, de 18 à 30 ans, accompagnant les plus âgés lors de promenades, d’aides aux courses, de petit bricolage ou encore d’ateliers de lecture. Un fonctionnement désormais rodé, après plusieurs mois durant lesquels les deux associés, Amélie et Lucille, ont cherché la meilleure formule possible afin de venir en aide aux seniors. Voici quelques-uns de leurs enseignements.
     

    Les quatre conseils de Lucille Valton et Amélie Frély

    Conseil n°1 : Ne pas avoir peur de se lancer

    Lucille Valton : « Quand on a l’envie, il faut y aller. Surtout que la conjoncture fait qu’il y a en ce moment des aides permettant de lancer son produit. On ne pourra jamais cocher toutes les cases et posséder toutes les compétences requises avant de se lancer, il faut l’accepter et s’associer avec des gens complémentaires, ou bien se décider à apprendre par soi-même. »

    Conseil n°2 : Bien s’entoure

    Amélie Frély : « La vie fait que l’on a toujours besoin d’être challengé. Mais il faut aussi être vigilant, il est important de bien choisir ses associés. Cela peut valoir le coup également de se rapprocher d’incubateurs pour pouvoir faire appel à des experts sur certaines problématiques que l’on ne maîtrise pas. »

    « Quand on monte son entreprise, on est tout le temps sous l’eau, mais il est important de garder du temps pour soi »

    Amélie Frély et Lucille Valton

    Conseil n°3 : Garder des activités à côté 

    Lucille Valton : « Il ne faut pas culpabiliser d’avoir des activités annexes à votre entreprise, car ce sont peut-être elles qui vous permettront de prendre de la hauteur et de vous libérer de votre stress. Il est nécessaire d’essayer de consacrer un petit moment de sa semaine à autre chose, pour avoir d’autres sujets de conversation et s’aérer l’esprit. »

    Conseil n°4 : Savoir prioriser

    Amélie Frély : « Un jour, un entrepreneur m’a expliqué qu’il fallait se demander chaque matin ce qui allait faire avancer sa boîte. Est-ce la comptabilité ? Non, même s’il est bien sûr important de la faire. Est-ce en revanche tel ou tel partenariat avec telle str

    Vous souhaitez vous lancer dans l’entrepreneuriat social ?

    La Fondation Macif soutient chaque année de nombreuses initiatives solidaires et sociales.

  • Profession : Solidaire – Les conseils de l’entrepreneur social Jean Moreau

    Profession : Solidaire – Les conseils de l’entrepreneur social Jean Moreau

    Objectif : zéro déchet. Avec Phenix, start-up parisienne qu’il a cofondée en 2014, Jean Moreau lutte contre le gaspillage alimentaire en traitant les invendus. Comment se lancer puis perdurer au sein de l’entrepreneuriat social ? Ce professionnel de la solidarité offre ses réponses.

    À la pointe de l’anti-gaspi, Phenix trouve des solutions pour que les invendus alimentaires ne disparaissent pas, en suivant un credo solidaire : « mettre en relation ceux qui ont trop avec ceux qui n’ont pas assez ». Une activité qui fonctionne, puisque l’entreprise emploie aujourd’hui 180 personnes et dispose de plus d’une vingtaine d’antennes régionales à travers le territoire. 

    Ce succès est le fruit du travail du CEO Jean Moreau et de ses associés. Passé par l’ESSEC Business School puis banquier d’affaires durant plusieurs années, cet entrepreneur de 37 ans a finalement pris la voie de l’ESS plutôt que de devenir un « businessman pur et dur », comme il le confie lui-même. Aujourd’hui, il tire quelques conseils pratiques de ces années d’expérience.

     

    Les quatre conseils de Jean Moreau

    Conseil n°1 : Rencontrer des entrepreneurs « traditionnels »

    « Le partage entre pairs m’a beaucoup apporté. J’incite les entrepreneurs de l’ESS à sortir de leur écosystème naturel pour aller voir ce qui se pratique dans l’entrepreneuriat classique ou dans celui des start-up de la Tech. Il est intéressant d’observer leurs outils, comment se structurent les grilles de salaires, les systèmes de rémunération, d’objectifs et de performance, etc. »

    Conseil n°2 : S’assurer de l’existence d’un marché

    « Dans l’ESS, on a de belles idées mais on tourne parfois autour d’une niche, où il n’y a pas de vrai marché. Comme dans une démarche entrepreneuriale classique, il est nécessaire de s’assurer qu’un marché existe et qu’il a une certaine taille. »

     

    « Cela nous a beaucoup apporté de faire la synthèse entre le monde de l’ESS et celui des start-up »

    Jean Moreau

    Conseil n°3 : Ne pas sous-estimer l’importance de la marque

    « Nous avons mis du temps à le comprendre, mais construire une marque forte est importante. Il faut essayer de créer de la confiance et de l’attractivité, cela passe par des efforts sur le branding et le positionnement. Plus la boîte grossit, plus on s’aperçoit qu’il est intéressant d’avoir une marque forte, que ce soit pour les clients, les consommateurs ou pour attirer les talents. »

    Conseil n°4 : Se demander si l’on est dans l’entêtement ou dans la persévérance

    « Le plus difficile est de trouver le juste milieu entre l’entêtement, qui est plutôt un défaut – on a plein de signaux négatifs, mais on ne les voit pas, on se met des œillères et on continue d’avancer dans un mur –, et la persévérance, qui est une qualité. Parfois, après avoir donné trois coups de pioche, on a envie de s’arrêter, mais si on en avait donné un de plus, on serait tombé sur une mine de diamants… Il faut trouver le bon dosage et suivre son intuition. »
     

    Vous souhaitez vous lancer dans l’entrepreneuriat social ?

    La Fondation Macif soutient chaque année de nombreuses initiatives solidaires et sociales.

  • Profession : Solidaire – Les conseils des entrepreneurs sociaux Emmanuel et Christophe Brochot

    Ils se sont lancés ensemble, au service de la ruralité. Emmanuel et Christophe Brochot sont à l’initiative de Bouge ton Coq, une plateforme de dons pour financer l’intérêt général dans les villages. Comment se lancer dans l’entrepreneuriat social ? Réponses de deux professionnels de la solidarité.

    Lancé en janvier 2020, Bouge ton Coq est à l’origine d’un modèle de financement inédit : une plateforme numérique de dons qui réunit citoyens, pouvoirs publics et entreprises afin de soutenir des projets d’intérêt général en milieu rural. Le credo de ce mouvement citoyen ? “Collecter au niveau national, redonner au niveau local.”

    Derrière Bouge ton Coq se trouvent deux frères, Emmanuel et Christophe Brochot, originaires d’un petit village auvergnat, Ravel. Après une première vie dans la communication, ils ont décidé, à la cinquantaine, de revendre leur agence pour fonder ensemble ce nouveau projet. Après seulement une année d’existence, leur mouvement a déjà été désigné lauréat français du prix de la solidarité civile européenne, pour l’opération ‘C’est ma tournée’, visant à soutenir commerces et artisans, dans les villages, face aux conséquences économiques de la pandémie. 

     

    Les quatre conseils d’Emmanuel et Christophe Brochot

    Conseil n°1 : Etre persévérant

    Christophe Brochot : « Quand on a une conviction, il faut être persévérant. Autour de soi, on aura toujours de nombreuses personnes pour dire que ce n’est pas possible. Mais nous croyons à la phrase de Mark Twain : ‘ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait’. Il est nécessaire d’aller au bout de son engagement. »

    Conseil n°2 : Clair sur le cap, mais souple sur les moyens

    Emmanuel Brochot : « La vérité émerge de l’action, elle ne sort pas d’un tableur Excel ou d’un PowerPoint. On apprend en marchant, il ne faut donc pas être trop rigide et savoir se tromper, avoir un cap mais aussi être souple et adaptable à l’intérieur de ce cap. »

    « Une histoire qu’on raconte s’inscrit dans la durée. Il faut être fidèle à son propre cap, rester laborieux et humble »

    Emmanuel Brochot

    Conseil n°3 : Penser avec le coeur mais agir avec la tête

    Christophe Brochot : « Comme l’écrivait Louise Dupin : ‘l’esprit délibère et le cœur conclut’. Les objectifs se déterminent davantage avec le cœur qu’avec la tête. Il est toutefois nécessaire d’avoir une exigence de rigueur totale dans l’action. La mise en œuvre des objectifs doit reposer sur des logiques économiques bien réelles, si l’on veut que son projet perdure et soit pérenne. »

    Conseil n°4 : Rester à l’écoute

    Emmanuel Brochot : « Il est important d’être toujours à l’écoute, beaucoup observer et ne jamais renoncer à une rencontre, car il en sort toujours quelque chose. Mais dire oui aux opportunités qui se présentent, cela ne signifie pas se renier pour autant. Parfois, il faut savoir ne pas saisir certaines opportunités, tentantes mais qui nous obligeraient à transiger sur des aspects essentiels de notre cap. »

    Vous souhaitez vous lancer dans l’entrepreneuriat social ?

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