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  • Profession : Solidaire – Les conseils des entrepreneures Daphné Charveriat et Colombe Pigearias

    Chômage, mal logement ou décrochage scolaire. Au sein de Marseille Solutions, Daphné Charveriat et Colombe Pigearias aident à construire des solutions pour résoudre localement ces défis urgents. Comment se lancer dans l’entrepreneuriat social ? Ces deux spécialistes de la solidarité répondent.

    Tout est parti d’un ras-le-bol : celui du “Marseille bashing” et des manchettes de journaux catastrophistes. Début 2014, Tarik Ghezali, Anne-Claire Gosselin et Jérôme Schatzman fondent l’organisation Marseille Solutions pour tenter d’inverser la tendance. Leur vision ? Booster le développement de projets positifs à fort impact dans la ville, pour lutter notamment contre le chômage, le mal logement, le décrochage scolaire ou les déserts alimentaires.

    Daphné Charveriat et Colombe Pigearias ont rejoint l’aventure plus récemment en tant que co-gérantes. Avec d’autres, elles appliquent aujourd’hui une formule d’action éprouvée au sein de ce dispositif de soutien à l’innovation : « Voir grand, commencer petit, aller vite ». Depuis leurs bu-reaux situés non loin du Vieux Port (13), elles livrent plusieurs conseils concrets pour s’investir dans l’entrepreneuriat social et solidaire.

    Les quatre conseils de Daphné Charveriat et Colombe Pigearias

    Conseil n°1 : ne pas trop attendre avant de se lancer

    Colombe Pigearias : « Si tu as envie de faire quelque-chose, n’attends pas que tout soit prêt pour en parler et commencer. Cela avance trois fois plus vite et on évite beaucoup d’erreurs ou de maladresses en osant partager ses intentions. Si tu incarnes ton projet et que tu commences à en parler, même sans avoir d’idées précises, les rencontres vont s’enchaîner et finalement, tu dessineras quelque chose que tu n’avais peut-être pas imaginé à la base, mais qui sera plus pertinent que ton idée préconçue dans ton coin. »

    Conseil n°2 : identifier ses compétences

    Colombe Pigearias : « Si tu n’es pas issu du milieu de l’entrepreneuriat social ou environnemental, essaie d’identifier les compétences que tu as et qui sont transférables dans ces milieux-là. En réalité, dans de nombreux domaines, on apprend et perfectionne le travail de coopération entre pairs ou entre différentes spécialités pour mener à bien des projets. »

    « Les gens doutent souvent de leurs compétences, alors que même si tu ne viens pas de l’innovation sociale, tu peux apporter à un projet si tu as une compétence de gestion de projet, de créativité, d’écoute ou autre »

    Daphné Charveriat

    Conseil n°3 : utiliser les moyens de communication à disposition

    Daphné Charveriat : « Aujourd’hui, tout le monde est accessible. Il ne faut pas négliger les réseaux sociaux et ne surtout pas hésiter à prendre contact avec une grande boîte pour leur proposer un projet. C’est important de partager ses bonnes idées, il est dommage d’en avoir et de ne pas passer à l’action. »

    Conseil n°4 : en parler autour de soi

    Daphné Charveriat : « Si tu as envie de te lancer, donne toi les moyens, raconte une histoire, écris un récit, parle-en autour de toi et n’hésite pas à aller interroger des gens pour les embarquer sur ton projet. A partir du moment où tu vas aller les voir, ils vont se sentir ambassadeurs du projet et vont te permettre de changer d’échelle. »

    Vous souhaitez vous lancer dans l’entrepreneuriat social ?

    La Fondation Macif soutient chaque année de nombreuses initiatives solidaires et sociales

  • Vocations d’avenir : Thibaud, 28 ans, défend l’art et l’artisanat

    Vocations d’avenir : Thibaud, 28 ans, défend l’art et l’artisanat

    À 28 ans, Thibaud a choisi de perpétuer le savoir-faire traditionnel de l’art et l’artisanat à travers un métier aussi artistique que physique : la menuiserie. Depuis deux ans et demi, il apprend le métier au sein de la Société Philomathique de Bordeaux – du grec philo, “ami” et matique, “connaissance” -, une école savante vieille de plus de 200 ans, née sous l’influence des Lumières. « Le travail manuel m’a toujours parlé : l’été, je travaille souvent avec mon cousin maçon. Et puis, le bois, ça me titillait depuis un moment… ».

    Lire aussi : Ces cinq métiers qui dessinent l’avenir

    Menuisier et artiste

    Si le métier de menuisier demande des aptitudes manuelles, c’est aussi et surtout un métier extrêmement exigeant du point de vue intellectuel. « Je m’attendais bien à devoir me remettre aux mathématiques. Avec les calculs d’angle, les dessins, les épures (dessin au trait qui donne l’élévation, le plan et le profil d’une figure, ndlr), le cerveau prend cher. En ce moment, on travaille sur un escalier, c’est un travail qui demande énormément de réflexion ». Quand on lui demande s’il ne subit pas les stéréotypes attachés aux métiers manuels, Thibaud balaie l’idée de la main : « J’ai fait des études d’art et tous mes amis sont artistes ou acteurs… C’est limite si je ne suis pas considéré comme le seul aujourd’hui qui a un “vrai” métier parmi nous ».

    À 28 ans, Thibaud a déjà 10 ans de vie d’artiste derrière lui. Depuis sa première année de collège, il se détourne des cours classiques pour préférer peindre et dessiner. Il continue sa seconde en France puis part en Belgique où il intègre l’École d’art Saint-Luc à Tournai puis à Liège : trois ans en illustration, trois ans en peinture, puis un master. Quand l’occasion se présente, il expose dans des cafés ou des galeries. Il y développe sa vision de l’art et regrette que le dessin académique figuratif ne soit pas plus valorisé. « Moi j’ai besoin de passer par le savoir-faire traditionnel et les représentations réalistes pour pouvoir ensuite me lâcher et m’en éloigner ».

    « Ça s’est senti depuis que je suis en sixième : les cours généraux ne m’intéressent pas »

    Thibaud Debarge

    Métier manuel et retour aux sources

    Aujourd’hui, son approche artistique reste valorisée dans son nouveau métier. En alternance dans une entreprise artisanale, il se rapproche petit à petit du métier d’ébéniste, plus créatif. « Mon boss est lui-même ébéniste de formation, et il a senti et valorisé mon côté artistique. Après plusieurs mois consacrés à la pose et restauration de parquets, il m’a confié la fabrication de portes, d’impostes et de dressings sur-mesure. Il m’a aussi confié de A à Z la réalisation et l’intégration d’une rose des vents en essences d’ébène et de cerisier pour un gros client ». De sa position, et qui plus est à Bordeaux où les maisons traditionnelles – les échoppes – sont légion, Thibaud voit l’intérêt pour son métier évoluer et les commandes de menuiseries sur-mesure croître, la clientèle se détournant progressivement des meubles en kit de la grande distribution. « On observe un vrai retour aux sources ».

    Lire aussi : Vocations d’avenir : Amhet, 24 ans, réduit les inégalités via l’art oratoire

  • Ces cinq métiers qui dessinent l’avenir

    Ces cinq métiers qui dessinent l’avenir

    Métier : Ouvrier.e en aquaponie

    Comme son nom ne l’indique pas, l’aquaponie ne concerne ni les nageurs ni les cavaliers. Ce mot-valise, qui résulte de la contraction entre aquaculture et hydroponie, désigne un nouveau modèle d’agriculture fondé sur la circulation de l’eau, qui combine la culture de plantes et l’élevage de poissons.

    Complètement hors-sol et dans un environnement contrôlé, ce type de culture peut s’installer n’importe où. Grâce à un système pensé en cercle vertueux, des bactéries transforment les déjections des poissons en nutriments pour les plantes. En plein retour de hype aux États-Unis, en Australie et en Asie, et émergente en Europe, cette technique existe depuis l’époque des Aztèques, qui cultivaient maïs et haricots sur des îles artificielles faites de boue.

     

    C’est déjà là :

    L’Aquarium de Paris s’est mis à l’aquaponie pour faire pousser des tomates au-dessus des bassins de poissons.

    Métier : Investisseur.euse à impact

    S’il ne représente pour l’instant qu’une goutte d’eau dans l’océan de la finance, l’investissement à impact fait de plus en plus parler de lui. Et pour cause : dans un monde bouleversé par un changement climatique puissant, les injonctions pleuvent pour inciter les investisseurs à tirer les bonnes ficelles.

    Lire aussi : Comprendre l’ISR, l’investissement social responsable

    Plus précisément, l’investisseur.euse à impact a la double mission de mesurer et d’améliorer l’impact environnemental et social des projets qu’il finance. Plus question de déployer son argent sur des projets qui rapportent mais qui détériorent le monde, il mise à présent sur de nouvelles entreprises qui promettent d’apporter des solutions réelles et positives. Comme quoi, la finance pour un monde plus vertueux, c’est possible !

    C’est déjà là :

    En mars 2021, Bercy a annoncé souhaiter faire de Paris le premier centre financier mondial de la finance à impact.

    Métier : Ingénieur.e cycle de vie

    Hier, un.e ingénieur.e chargé.e de construire une machine n’avait qu’un impératif : qu’elle fonctionne bien. Aujourd’hui, plus que la vie de l’engin, c’est aussi ce qui se passe avant et après sa vie qui compte. Missionné.e sur l’ensemble du cycle de vie de ses créations, l’ingénieur.e doit désormais réfléchir à la manière dont elles sont conçues, prévoir leur maintenance au cours de leur existence, et anticiper leur recyclage. À chaque étape de la vie de l’objet, l’enjeu est le même : réduire son impact négatif sur l’environnement et la société.

    Lire aussi : Vocations d’avenir : Océane, 23 ans, redonne du sens au métier d’ingénieur

    C’est déjà là :

    Votée en 2020, la loi française sur l’économie circulaire intègre les notions d’éco-conception et d’Analyse du Cycle de Vie (ACV).

    Métier : Egoteller

    Les intelligences artificielles Alexa ou Siri sont-elles des personnages malicieux, sages, bornés ? Si elles n’ont pas nécessairement de caractère marqué, de nombreuses intelligences artificielles sont équipées d’une sorte d’“égo”, c’est-à-dire d’un mode d’emploi qui vise à leur inculquer un comportement proche de celui de l’humain.

    Véritables créateurs de personnalités, les egotellers doivent anticiper les émotions et les attentes des utilisateurs de ces IA pour fluidifier le plus possible les interactions avec celle-ci. Exit la simple rédaction de textes, les concepteurs-rédacteurs du futur travailleront carrément à écrire l’histoire de nouvelles âmes.

    C’est déjà là :

    Chez Microsoft, plus d’une vingtaine de personnes travaillent sur l’identité de l’intelligence artificielle Cortana.

    Métier : Prospectiviste

    S’il écrit exclusivement sur l’avenir, le prospectiviste n’a rien du médium. Son travail n’est pas de deviner l’avenir mais d’explorer et d’imaginer des futurs possibles. En amplifiant les signaux faibles de transformation du monde qu’il perçoit, le prospectiviste conçoit des scénarios qui sont susceptibles de se produire dans un avenir plus ou moins lointain.

    À l’inverse des cabinets de tendance ou du marketing qui permettent de s’aligner aux volontés court-termistes du marché, les prospectivistes aident donc leurs clients à se projeter à horizon 2050 ou 2070, et ainsi de faire les meilleurs choix dans le présent pour un futur plus vertueux. Entreprises privées ou secteur public, tous les organismes qui réfléchissent à leur futur risquent de se tourner en nombre vers ce nouveau type de conseil.

    C’est déjà là :

    En 2020, l’armée française a fait appel à 10 auteurs de science-fiction pour imaginer les menaces de demain.

  • Vocations d’avenir : Julie, 26 ans, aide les jeunes femmes à choisir leur futur

    Vocations d’avenir : Julie, 26 ans, aide les jeunes femmes à choisir leur futur

    À 26 ans, Julie de Araujo propose aux jeunes femmes une formation sans stéréotype de genre, qui démystifie les métiers techniques du numérique, encore largement réservés aux hommes. Une formation qu’elle n’a elle-même pas reçue : dès l’école primaire, on attend d’elle un amoureux – alors qu’elle a une amoureuse – et adolescente, sa pratique professionnelle du tennis la confronte à l’injustice face à ses pairs masculins, mieux récompensés à performance égale. Quand elle rejoint l’IEP de Lyon, elle acquiert des clés de lecture pour comprendre ce qu’elle a vécu. « Moi qui n’ai pas reçu d’éducation non-genrée, j’ai découvert par le biais de mes cours de sociologie, à niveau post-bac, comment fonctionnait la société qui m’entourait. Ça a mis en lumière tout ce que j’avais expérimenté dans le cadre du sport et lors de mon coming out. À ce moment-là, ma conscience citoyenne s’est éveillée ».

    S’engager pour les autres

    Dès ses 18 ans, Julie s’engage : en parallèle de ses études, elle rejoint l’association Le Refuge, qui protège, héberge et accompagne les jeunes LGBT exclus du domicile familial parce qu’ils sont homosexuels ou trans. « Je me suis tout simplement pointée à une réunion de nouveaux bénévoles, et rapidement on m’a fait confiance. J’avais beaucoup de temps à donner, donc j’ai pris des responsabilités et développé le volet de l’intervention en milieu scolaire ». Elle vit son expérience associative comme une seconde formation à côté de ses cours. « Je travaillais pour l’association tous les weekend, toutes les semaines : j’avais vraiment une double vie ». Elle travaillera plus de cinq ans pour l’association.

    Donner la place aux femmes dans le monde du numérique

    Entre-temps, Julie débarque dans la vie active à la recherche d’un poste. Tout naturellement, elle se tourne vers l’économie sociale et solidaire et rejoint l’association Objectif pour l’Emploi, qui défend l’orientation professionnelle des femmes. « En capitalisant sur les années passées au Refuge, j’ai facilement trouvé du travail dans ce milieu. J’ai été embauchée en contrat court, et j’ai par la suite créé mon CDI de Chargée de Développement Orientation et Égalité en initiant et finançant le programme Ell’oweb ». À l’époque, Julie a déjà son BAFA et une appétence naturelle pour l’animation auprès du jeune public. À travers le dispositif, Ell’oweb, Julie propose aux lycéennes des ateliers d’initiation aux sujets et métiers du numérique (code, intelligence artificielle, cybersécurité, etc.).

    « Selon d’où l’on vient, on n’a pas tous les mêmes clés de compréhension du monde. S’il y a bien un endroit où tout le monde passe, c’est l’école : c’est donc l’endroit parfait pour transmettre les bases de la tolérance ».

    Julie de Araujo

    « Je n’ai aucune formation technique ni culture numérique préalable. À l’école, je fuyais les cours sur le sujet car j’étais moi même enfermée dans une certaine représentation de la technologie. Quand j’ai découvert les métiers de l’ingénierie avec l’association, j’ai pris de plein fouet mes idées reçues et j’ai décidé de faire quelque chose ». Parce qu’elle n’envisage pas que la moitié de la population se prive de ces métiers d’avenir, Julie travaille quotidiennement pour gonfler le faible 11% de femmes qui travaillent dans le secteur du numérique. Jusqu’à former les enseignants et conseillers d’orientation eux-mêmes. Mieux encore, elle initie les jeunes filles à la traque des biais induits par les nouvelles technologies. « En leur faisant créer un jeu pierre-feuille-ciseau avec la machine, ou en faisant des tests de recherche homme/femme dans les moteurs de recherche, on leur montre que les machines ne sont pas vraiment “intelligentes” et que les algorithmes peuvent reproduire ou engendrer des biais, notamment sexistes ».

    Forte de son succès, Julie cherche aujourd’hui à étendre le programme au niveau national.

  • Vocations d’avenir : Ahmet, 24 ans, réduit les inégalités via l’art oratoire

    Vocations d’avenir : Ahmet, 24 ans, réduit les inégalités via l’art oratoire

    À 24 ans, Ahmet Akyurek a fait de l’art du débat son combat quotidien. Ce jeune diplômé de Sciences Po Paris a intégré l’école cinq ans plus tôt via la Convention d’éducation prioritaire (CEP), une voie réservée aux bacheliers des lycées relevant de l’Education Prioritaire). À l’époque, issu du lycée Jean Renoir à Bondy, Ahmet se plie à l’exercice d’entrée établi par la convention : le décryptage d’une controverse d’actualité. « C’est un exercice qui vise à juger notre prise de hauteur sur un débat public et médiatique, et notre capacité à mobiliser notre culture critique pour remettre en question ce qu’on entend ».

    Il choisira la pénalisation des clients de prostituées durant la présidence de François Hollande. Quand il soutient son sujet à l’oral, Ahmet est à son aise. « J’étais content d’être là, j’aime débattre, être challengé sur mes positions, trouver des failles dans les raisonnements de chacun. C’est un jeu pour moi, ça m’amuse ». Une aisance qu’il rattache à un climat familial propice – une position de petit frère valorisé par quatre grandes sœurs – et à une adolescence en banlieue, où la culture du débat public est forte.

    L’art oratoire pour se faire une place

    À Sciences Po, la semaine de pré-rentrée est justement dédiée à une initiation à l’art oratoire. « Ça allume une ampoule en moi : c’est la première fois qu’on m’explique que la forme d’une prise de parole importe autant que le fond ». Son professeur – par ailleurs président de la Fédération Francophone de Débat – lui présente les clubs de joute verbale qui se tiennent en soirée dans différents amphis d’université en Île-de-France. « J’y suis allé presque tous les soirs : lundi à Sciences Po, mardi à Nanterre, jeudi à la Sorbonne… je faisais le tour de Paris pour y participer ».

    À force de progresser dans l’exercice, Ahmet et son camarade Greazi Abira décident de démocratiser l’art oratoire. « Le but du jeu, c’était de ne plus paraître “exceptionnel” dans notre entourage et de partager le pouvoir de l’art oratoire. C’est un outil capable d’améliorer sa moyenne à l’école, de créer des liens, de se faire respecter, de bouleverser une carrière, bref, de changer la trajectoire d’une vie entière ». Rapidement, Ahmet et Greazi créent l’association Graine d’Orateur 93 qui cartonne instantanément. « Dès le premier jour, le bouche-à-oreille avait fait son effet, et la salle de 60 places était pleine ; on a compris que l’on comblait un manque qui n’avait jamais été satisfait, alors on a décidé de mettre les bouchées doubles ».

    « La parole est une source de pouvoir qui permet aux individus de dialoguer, de coopérer, et de surmonter des défis communs »

    Ahmet Akyurek

    Engagement social et expérience immersive

    Aujourd’hui, Ahmet travaille dur pour étendre l’association à l’échelle nationale. Mais c’est loin d’être son seul projet : depuis, il a découvert le monde du travail et ses problèmes spécifiques. Pourtant allergique au monde de la finance, il a décidé, « pour l’expérience sociale », de faire son stage à la direction financière d’une banque. « À travers mes stages et mes jobs, j’ai réalisé que la maîtrise de la parole est synonyme de pouvoir, qui plus est dans un monde comme l’entreprise où le mérite ne paie pas toujours ». Ni une ni deux, il crée un organisme de formation intitulé Krateo – du grec κρατέω : tenir fermement, gouverner, devenir maître. « Là où Graine d’Orateur adopte une approche citoyenne de la parole comme outil démocratique, Krateo défend une position plus professionnelle : comment réussir un entretien, gérer une réunion, accompagner la progression des membres de son équipe… ».

    Pour son projet, Ahmet veut tirer le meilleur des technologies numériques du moment. « Notre but est de devenir une Edtech (startup qui fait utilise les technologies innovantes pour améliorer le secteur de l’éducation, ndlr) qui redéfinisse en profondeur la transmission de compétences grâce aux outils d’aujourd’hui ». Pas question d’enseigner l’art oratoire dans un mooc : pour son projet, Ahmet vise plutôt les technologies immersives et rêve déjà de gamification, d’analyse comportementale, de traitement du langage, et de réalité virtuelle. « Je travaille sur la création une expérience immersive réplicable à l’échelle, un outil de formation qui soit vraiment conçu pour un usage numérique». Pour autant, pas question de formater les discours : « La parole est très liée aux enjeux de notre siècle : la sauvegarde de l’environnement, et la défense de la démocratie ».

  • Vocations d’avenir : Océane, 23 ans, redonne du sens au métier d’ingénieur

    Vocations d’avenir : Océane, 23 ans, redonne du sens au métier d’ingénieur

    À 23 ans, Océane Lannoy a choisi un chantier de taille : mettre le métier d’ingénieur au service de la société. Fin 2020, elle décroche son diplôme d’ingénieure matériaux, après cinq ans d’études au sein de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon. Sa spécialité : l’éco-conception, ou comment penser l’impact des produits sur l’environnement dès leur conception. « C’est à la fin de mes années collège qu’on m’a parlé du métier d’ingénieure en éco-conception. Je n’ai jamais décroché de ce projet de métier depuis, raconte Océane. Après le Bac, j’ai orienté l’ensemble de mes projets scolaires et extrascolaires en direction de cet objectif ».

    Engagement associatif et prise de conscience

    À l’INSA Lyon, on propose aux étudiants d’orienter leur cursus et de s’auto-former selon leurs centres d’intérêts. Océane décide alors de co-animer un cours intitulé « REC » – pour Remettre En Cause – où elle invite ses pairs à explorer des sujets environnementaux et sociaux, tels que le sens du travail ou l’écoféminisme. Dès la seconde année de prépa intégrée à l’école, elle rejoint le tissu associatif du campus. Nous sommes alors à la veille des élections présidentielles de 2017, et Océane veut cultiver sa conscience politique. « Aujourd’hui, je pense que mon engagement associatif m’a autant formée – voire plus – que les cours en eux-mêmes. Ça m’a appris à gérer des projets et des personnes, et ça m’a permis de découvrir différentes opinions politiques, et ça m’a aidé à comprendre quelles sont les miennes » raconte-t-elle.

    À force de projets extra-scolaires, d’écoute médiatique et de recherches personnelles, elle comprend l’ampleur de l’urgence écologique. Direction l’association « Ingénieur.e.s Engagé.e.s » où elle explore le sujet de la responsabilité sociétale de l’ingénieur à travers des événements, conférences, projections, et des débats. « L’association fonctionne sur des bases d’éducation populaire : on essaie de trouver des outils pour rendre les échanges les plus collaboratifs possible : tout le monde apporte ses opinions, et si ce ne sont pas les mêmes c’est encore mieux ».

    Lire aussi : Les différentes formes d’engagement associatif et citoyen

    « Quand j’ai compris qu’on fonçait dans un mur, je me suis dit : ‘Il faut faire quelque chose’ ».

    Océane Lannoy

    Ingénieure et citoyenne

    Aujourd’hui, Océane est ingénieure en éco-conception au sein d’un grand groupe agroalimentaire français. Au quotidien, elle analyse le cycle de vie des produits et encourage le recours aux matériaux bio-sourcés, recyclés et recyclables. « Le poste que j’ai me permet de soulever des questions d’impact environnemental dans le groupe et dans l’entreprise : sourcing de proximité, simplification des recettes, éco conception des emballages… J’identifie des leviers pour améliorer l’empreinte environnementale de l’activité, ce qui rend mon métier très plaisant au quotidien, même si je n’ai pas non plus l’impression de faire bouger les choses au rythme où il faudrait ».

    Mais avant d’être professionnelle, Océane reste d’abord citoyenne. Régulièrement, elle organise des ateliers de discussion dont elle fait remonter les conclusions au think tank The Shift Project, spécialisé sur la transition carbone. Elle rejoint également l’association Sciences Citoyennes et son projet Horizon TERRE (Tou.te.s Ensemble pour une Recherche Responsable et Engagée) où elle bâtit aux côtés d’une quarantaine de chercheurs et d’experts une proposition alternative au programme de financement de la recherche et innovation de l’Europe, Horizon Europe.

    Lire aussi : L’engagement des jeunes pour sauver le climat

    Baignée dans des sujets aussi cruciaux que l’urgence climatique, la crise des écosystèmes, l’accroissement des inégalités et l’appauvrissement de la biodiversité, Océane ne perd pas son optimisme et sa combativité pour autant. « J’ai bon espoir que le métier d’ingénieur continue d’évoluer, notamment pour nous assurer de remplir nos objectifs de transition climatique. Plus généralement, je pense que les entreprises vont avoir de plus en plus besoin d’ingénieurs avec de solides convictions environnementales. À l’école, certains enseignants étaient réticents à l’idée d’évoquer l’impact social de notre activité, de peur de glisser sur le terrain politique. Moi j’estime que le métier d’ingénieur est politique en soi ».

  • Profession : Solidaire – Les conseils de l’entrepreneur social Jean Karinthi

    Profession : Solidaire – Les conseils de l’entrepreneur social Jean Karinthi

    Sur les hauteurs d’Autrêches, un petit village de l’Oise, Jean Karinthi et une poignée d’amis ont repris le domaine de l’Hermitage. Tour à tour maison médicale, domaine agricole ou siège d’une ONG de développement, ce lieu situé à près d’une heure de Paris a eu mille vies. Depuis plus de trois ans, Karinthi et les siens l’ont transformé en tiers-lieu rural tourné vers les enjeux sociétaux de demain. Cet espace accueille aujourd’hui aussi bien une micro-ferme agroécologique qu’une serre aquaponique, des ateliers de formation numérique pour jeunes décrocheurs ou une brasserie artisanale.

    Pour Jean Karinthi, 46 ans, l’Hermitage est la dernière étape en date d’un parcours professionnel foisonnant l’ayant mené des pays d’Afrique jusqu’au milieu associatif parisien, de SOS Méditerranée jusqu’au nord de la France. Depuis l’un des nombreux bâtiments de ce vaste tiers-lieu, il livre quelques précieux conseils pratiques pour se lancer, comme lui, dans l’entrepreneuriat social et solidaire.

    Lire aussi : L’ESS : sociale, solidaire et pleine d’avenir !

     

    Les quatre conseils de Jean Karinthi

    Conseil n°1 : Savoir pourquoi on le fait

     

    J.K. : L’entrepreneuriat n’est pas un long fleuve tranquille, c’est une pression énorme. Il ne faut pas se lancer par défaut, parce que ça n’a pas marché ailleurs, mais parce qu’on se sent en mesure d’avoir une autonomie. Il est aussi important d’avoir une forte confiance dans l’idée que ce qu’on fait est essentiel. Il faut se bagarrer énormément quand on n’a pas de capital au départ, surtout dans le domaine de l’ESS où les modèles économiques sont loin d’être évidents. »

    Conseil n°2 : Préparer ses proches à soutenir

     

    J.K. : La solidarité commence par le premier cercle, c’est encore plus vrai qu’ailleurs dans l’entrepreneuriat. Si l’entourage n’a pas bien compris dans quoi l’on s’embarque et ce que cela va collectivement coûter, cela peut être très dur. Ceux qui vont vous aider à tenir, ce sont vos proches, vos enfants, votre conjoint.e.

     

    « Le conseil que je donnerais est d’interroger la vocation initiale. Pour moi, cela a été un moment essentiel de basculer dans l’entrepreneuriat social et solidaire »

    Jean Karinthi

    Conseil n°3 : Ne jamais renoncer

     

    J.K. : Il faut avoir le sens du sprint – pour trouver l’énergie de passer des nuits blanches sur des offres, par exemple – mais l’entrepreneuriat ressemble plutôt à un marathon. Il faut être un peu inconscient ou bien avoir un mental fort. Moi, je suis plutôt dans la première catégorie, c’est pourquoi je suis entouré de gens conscients, avec qui je partage les mêmes valeurs. A ce titre, je conseille de voir Les Heures Sombres sur Winston Churchill, un personnage inspirant du point de vue historique comme entrepreneurial. Son principal discours : il faut tenir ! 

    Conseil n°4 : Raisonner comme un sportif de haut niveau

     

    J.K. : Le mental se maintient grâce à une sensibilité forte à l’hygiène de vie. Il faut s’écouter. Se mettre à huis-clos, lire ou regarder un programme télé sera pour certains la solution afin de reposer l’esprit. Avec mon épouse, j’ai construit un paradigme de retrait sur au moins une demi-journée de la semaine, où j’ai besoin de vide et de silence. Cela me permet de recharger les batteries pour être plus opérationnel et avoir de l’imagination au moment de trouver des solutions. 

    Vous souhaitez vous lancer dans l’entrepreneuriat social ?

    La Fondation Macif soutient chaque année de nombreuses initiatives solidaires et sociales

  • Salariés et aidants familiaux : comment accompagner ces invisibles dans les entreprises ?

    Salariés et aidants familiaux : comment accompagner ces invisibles dans les entreprises ?

    Aujourd’hui en France, environ 5 millions (2) de salariés endosseraient le rôle d’aidant familial auprès d’un proche (enfant, conjoint, parent, etc.).


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    Pourquoi les salariés aidants familiaux sont-ils invisibles en entreprise ?

    Beaucoup de salariés estiment que leur rôle d’aidant relève de la sphère personnelle. « La plupart ne veulent pas qu’on éprouve de la pitié à leur égard ou être stigmatisés », souligne Arnaud Trenta, sociologue du travail.

    Pourtant, les mêmes salariés reconnaissent que leur engagement impacte directement leur vie professionnelle. « Mais ils craignent d’être discriminés en se voyant confier moins de responsabilités, et que cela ait des retombées négatives sur leur carrière », précise le chercheur.

    Chiffre-clé

    39 % (3) des aidants considèrent que l’aide apportée à leur proche a un impact négatif sur leur vie professionnelle.

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    Les aidants au travail, des droits méconnus

    Une étude Ipsos-Macif de 2020, montre que près de 50 % des salariés aidants (5) ignorent leur droit à des congés et aides spécifiques liés à leur situation.

    « Cette méconnaissance s’explique en partie par le fait que les entreprises n’ont pas encore pris la pleine mesure de la réalité du rôle d’aidant dans notre société, et n’ont donc pas mis en place de dispositif permettant de sensibiliser et d’accompagner les salariés concernés au travail », explique le sociologue.

    Pourtant, plusieurs types de congés existent :

    • le congé du proche aidant (depuis le 1er octobre 2020) qui dure trois mois et permet de s’occuper d’une personne handicapée ou faisant l’objet d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité (maladie d’Alzheimer, de Parkinson, paralysie, cancer…). Ce congé indemnisé peut être pris en une seule fois ou fractionné ;
    • le congé de présence parentale qui permet de cesser son activité professionnelle pour donner des soins à son enfant à charge handicapé, accidenté ou malade ;
    • le congé de solidarité familiale qui permet de vous absenter pour assister un proche en fin de vie.

    Besoin d’aide ?

    Le site aveclesaidants.fr de la Macif vous éclaire pour vos démarches au quotidien.

    Chiffre-clé

    Lorsque la charge devient trop lourde, 67 % (2) des salariés utilisent leurs congés payés ou leur RTT afin d’assumer leurs responsabilités d’aidant.


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    Quels sont les enjeux pour l’entreprise d’accompagner les salariés aidants ?

    Seuls 31 % (4) des dirigeants d’entreprise se disent en mesure d’estimer le nombre de leurs salariés qui aident un proche, quand 50 % déclarent qu’il n’y en a aucun au sein de leur société. Pourtant, pour le seul secteur privé, les aidants représenteraient 18 % (3) des salariés.

    Le travail contribue à maintenir un équilibre de vie : il leur permet d’échapper à leur rôle d’aidant et de tenir en existant pour eux-mêmes.

    Arnaud Trenta, sociologue du travail.

    Un impact réel sur le quotidien professionnel des aidants

     

    Les nombreuses tâches quotidiennes incombant au rôle d’aidant peuvent impacter le travail du salarié et notamment « de ceux disposant de moins de ressources, qui vont souvent s’investir davantage auprès du proche en effectuant de nombreuses tâches par eux-mêmes », déclare le sociologue.

    Ainsi, les salariés aidants déclarent qu’aider un proche engendre absentéisme au travail (59 %) (2), démotivation (48 %), difficultés à se concentrer (45 %), réduction du nombre d’heures travaillées (29 %), davantage de télétravail (14 %) ou encore des arrivées tardives le matin ou des départs plus tôt l’après-midi (33 %).

    « 10 % (5) des aidants familiaux salariés se mettent même en arrêt maladie pour pouvoir aider leur proche, observe Arnaud Trenta. Les soutenir contribue à lutter contre l’absentéisme et à les motiver davantage dans leurs missions, mais permet aussi de les maintenir dans l’emploi », affirme le sociologue.

     

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    Comment les entreprises peuvent-elles agir pour soutenir les salariés aidants ?

    « Les entreprises devraient adopter une politique active en faveur des aidants et se montrer plus solidaires. Elles ont un rôle à jouer autour de la diffusion de l’information et de la mise en place d’aménagements du temps de travail (autorisations d’absence, télétravail, flexibilité des horaires, dons de RTT et congés entre salariés, etc.). Le nouveau congé de proche aidant peut être une porte d’entrée pour libérer la parole et ouvrir le dialogue sur la question », conclut le sociologue. Une question qui devrait prendre de l’ampleur dans les dix prochaines années avec le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques. On estime qu’un actif sur quatre (6) sera un aidant en 2030.

    À savoir

    83 % (6) des Français pensent d’ailleurs que les entreprises devraient davantage soutenir et accompagner les salariés aidants.

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    L’Essentiel de l’article

    • Les salariés aidants sont peu identifiés en entreprise.
    • Être aidant a un impact sur la vie professionnelle du salarié.
    • Avoir une politique active en faveur des aidants est bénéfique pour les entreprises.
    • Le nouveau congé de proche aidant est une porte d’entrée pour libérer la parole.

    Sources :
    (1) Anesm, Le soutien des aidants non professionnels, 2014
    (2) Handicap.fr, 20 % de salariés aidants : manager l’aidance, urgence !, 2020
    (3) Le comptoir de la nouvelle entreprise, Comment agir pour les salariés aidant un proche dépendant ?, 2017
    (4) La Maison des Aidants, Les salariés aidants : plus de solidarité de la part des entreprises, 2019
    (5) Ipsos-Macif, Enquête nationale aidants – 2020
    (6) Prix entreprise & salariés aidants, Enjeux et chiffres clés, 2017
  • Coworking, la clé des champs ?

    Coworking, la clé des champs ?

    Cinq jours sur sept, Iris enfourche son vélo lesté de deux loustics : son cadet est calé sur le siège arrière tandis que son aîné, six ans, est attelé à un petit deux-roues. Par le chemin de Canoha, qui file à travers les collines pyrénéennes, cette traductrice indépendante quitte son village pour parcourir la poignée de kilomètres qui la séparent de Prades (66), cité de 6 000 habitants. Après dépôt de sa cargaison aux écoles, direction « El Quadrat », un espace associatif de travail partagé, dans le centre-ville pradéen. Iris le fréquente assidûment depuis sa création, quatre ans plus tôt. « Nous sommes une quinzaine : un photographe et documentariste, un webmaster, des couturières, une chargée de sensibilisation à l’environnement, une marionnettiste, une architecte… » détaille la trentenaire.

    Des profils divers, pour un même objectif : mettre en commun des outils de travail et, surtout, rompre la solitude et le « grand silence » qui plombent parfois les journées des indépendants et des télétravailleurs.

    « J’échange par mail avec mes clients. Avant El Quadrat, je souffrais de n’avoir de communication professionnelle que virtuelle, »

    se souvient Iris

    Le coworking, une alternative intéressante

    Au fil des ans, cette absence de relations sociales au travail et ces longues heures passées devant l’écran lui deviennent pesantes, au point d’envisager une reconversion. Alors quand elle découvre une annonce pour un bureau partagé sur Facebook, elle saute sur l’occasion. « Sans cela, j’aurais peut-être abandonné la traduction », confie-t-elle.

    Parti d’une initiative privée, El Quadrat a suscité l’intérêt des élus locaux. « Le propriétaire de l’espace voulait vendre, mais l’association n’avait pas la capacité d’investir. La mairie a donc décidé de racheter les lieux », explique Bruno Ferraris, chargé de mission développement économique au sein la Communauté de Communes Conflent Canigó.

    L’objectif est de garantir la pérennité de l’activité, tout en maintenant des prix accessibles : 40 euros par personne et par mois, wifi compris. Un « super tarif », de l’avis d’Iris, « nécessaire » au vu de la précarité de certaines professions accueillies. Aujourd’hui, El Quadrat est complet, et cinq personnes se sont déjà inscrites sur liste d’attente. Un succès que relativise Bruno Ferraris :

    « C’est une dynamique intéressante, mais je doute que ce type d’espace impacte significativement le territoire. Je le vois plutôt comme un service à destination des créateurs d’emplois.»

    D’autres, plus optimistes, veulent voir là une piste pour dynamiser la ruralité, en activant des leviers économiques, mais aussi écologiques et sociaux. Il faut dire qu’avec l’essor du statut d’indépendant, essentiellement dans les services (1) et l’augmentation du télétravail, les tiers-lieux ont la cote.

    Tiers-lieux ?

    Entendez un site intermédiaire entre le bureau traditionnel et la maison. Le terme, très en vogue depuis quelques années, n’est pas tout à fait neuf. Il est né en 1989 sous la plume du sociologue américain Ray Oldenburg qui, dans son ouvrage The Great Good Place, développait l’idée de nouveaux espaces favorisant les rencontres. Depuis, le concept a fait des émules.

    En France, la Datar (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, aujourd’hui remplacée par Le Commissariat général à l’égalité des territoires) a lancé dès la fin du XXe siècle plusieurs initiatives pour redynamiser la ruralité, dont les « télécentres », mais sans susciter beaucoup d’enthousiasme. Il faut attendre les années 2010 pour que le déclic ait lieu.

    Aujourd’hui, selon la mission ministérielle « Coworking : Territoires, Travail, Numérique », 1 800 tiers-lieux existent dans l’Hexagone et outre-mer. Prenant acte du phénomène, le gouvernement a mis en place l’an dernier un plan de 110 millions d’euros pour encourager ces espaces partagés. À rebours des clichés, ils sont loin d’être exclusivement citadins.

    « Dans la ruralité, le coworking vise principalement à éviter les déplacements pendulaires, c’est-à-dire les trajets domicile-travail, qui coûtent cher, et à sortir de l’isolement. En centre-ville, où l’affluence est plus importante, la recherche de partenariat sera davantage un moteur, »

    analyse Lauren Baceiredo, doctorante et chargée d’études au sein de Relais d’entreprises

    Ce cabinet de conseil créé en 2012 accompagne les collectivités territoriales désireuses de développer des tiers-lieux. Son crédo : des bureaux individuels meublés et connectés, au plus près de l’habitat, pour contrer les déséquilibres territoriaux.

    L’enjeu est pressant : le coût du logement dans les métropoles grimpe, repoussant une partie importante de la population vers les zones péri-urbaines, alors que l’offre de travail reste concentrée à 80 % dans les pôles urbains…

    Relocaliser l’emploi permettrait donc de réduire l’énergie, le temps et l’argent dédiés aux transports.

    « Les actifs vont aussi consommer localement et être plus présents socialement pour faire vivre une association ou consacrer du temps à leurs enfants par exemple, »

    observe Lauren Baceiredo, chargée d’études au sein de Relais d’entreprises

    Mission accomplie à Grenade, commune de 8 000 habitants de Haute-Garonne accompagnée par Relais d’entreprises : dans les anciens locaux d’une école maternelle, un petit tiers-lieux de quatre bureaux affiche complet. Cécile est l’une de ses occupantes. Cette graphiste salariée y télé-travaille deux jours par semaine : elle s’y rend à pied et évite ainsi 184 km aller/retour de trajet quotidien pour se rendre à son entreprise, à Albi. Ce confort a un coût : ici, comptez 120 euros par mois pour seulement un jour d’utilisation hebdomadaire.

    « Je crois que pour qu’un tiers-lieu fonctionne, il faut que la puissance publique le subventionne », défend la chargée d’études de Relais d’entreprises. La démarche n’est pas sans risque : certaines sociétés peuvent tenter de développer le télétravail aux frais des collectivités publiques pour économiser sur leurs charges foncières…

    « L’employeur doit payer la location du bureau pour son salarié : c’est ce que nous prônons. Mais la bataille reste à mener, » reconnaît Lauren Baceiredo.

    (1) https://www.insee.fr/fr/statistiques/4199203